Avec notre envoyée spéciale à Ahmedabad,Mounia Daoudi
Les mauvaises langues diront qu’il s’agit d’une initiative des deux grands rivaux de la Chine, l’Inde et le Japon, pour offrir une alternative aux fameuses routes de la soie, financées à coup de centaines de milliards de dollars par Pékin, pour écouler ses productions. Mais les économistes, chargés de jeter les bases de ce projet, préfèrent eux parler d’une stratégie de croissance durable au service des populations africaines.
C’est un brin jargonneux, mais l’idée est de créer de synergies entre l’Inde, un pays qui a des liens commerciaux anciens avec le continent, et le Japon qui souhaite participer au développement de l’Afrique et de ses entreprises par la même occasion. Tout cela au bénéfice des populations locales.
Gagnant-gagnant-gagnant ?
En somme, une sorte de partenariat gagnant-gagnant-gagnant. L’idée est louable. Ses promoteurs souhaitent donner la priorité à des projets dans la santé, l’agriculture. Ils parlent de renforcer les compétences en Afrique, de projets d’infrastructures durables, de partenariat public-privé. Il ne s’agit pas uniquement de commerces, insistent-ils. Ils précisent même que ce partenariat serait ouvert à d’autres pays du Sud-est asiatique.
Une feuille de route vient d’être tracée. Reste à trouver les financements et peut-être aussi un nom un peu moins barbare que « Corridor de croissance Asie-Pacifique ».
■ Analyse
Le professeur Sachin Chaturvedi dirige ERI, un think tank chargé par le gouvernement indien de développer ce projet : « Je sais que certains voient dans ce projet un cadre alternatif aux routes de la soie développées par la Chine. Mais il est clair que ces deux projets n'ont pas les mêmes finalités. Pour nous il s'agit de mettre les populations au cœur de notre action. Il ne s'agit pas de commerce, il ne s'agit pas de production, il ne s'agit pas de fabrication. Il est question d'hommes et de femmes. Et quand les populations sont au cœur d'un projet, elles ont le désir et la capacité de faire leur propre choix et d'être ainsi un acteur à part entière de la chaine d'approvisionnement. Ce qui leur permet du même coup d'être connectées aux marchés. Souvenez-vous qu'au Japon, l'industrie de l'électronique n'est pas le seul fait des grands groupes. Elle a aussi été portée par des petites entreprises. Peut-on combiner ce modèle de développement japonais avec le programme d'aide sociale appliqué en Inde par le gouvernement Modi ? C'est à ce type de question que nous essayons de répondre. »