Ce lundi matin, en sillonnant plusieurs quartiers de Kinshasa, la rentrée semblait plus timide que d’habitude. De ce qu’en disaient les enseignants, les parents ou même les élèves croisés, il y a bien sûr le mot de l’ordre lancé par le Rassemblement de l’opposition qui a joué. « Ils ont jeté des tracts dans les quartiers, certains ont voulu suivre et d’autres ont eu peur de venir », confie un chef d’établissement.
Les enseignants semblent assez partagés sur la question. L’école doit rester apolitique, disent les uns. D’autres au contraire affirment soutenir le mot d’ordre de l’opposition, mais tous se plaignent de leurs conditions de vie. « L’école doit rester apolitique, mais les problèmes soulevés par le Rassemblement existent bel et bien. On souffre », tranche un vieil instituteur. Un trop faible niveau de rémunération qui ne leur permettrait pas à eux non plus de payer l’éducation de leurs enfants, le transport et de travailler convenablement.
Les parents eux-mêmes sont en difficultés. Avec la crise économique, les coupes budgétaires dans les ministères et les retards enregistrés dans le paiement des salaires, beaucoup de parents n’ont tout simplement pas ou plus les moyens de payer les frais scolaires, les fournitures, les uniformes pour permettre à leurs enfants de se présenter en ce premier jour de rentrée. Cette question, c’est un peu le cheval de bataille de la société civile du Sud-Kivu depuis plusieurs années. Elle a appelé à une rentrée blanche à partir de ce lundi pour obtenir suppression de la prime payée par les parents pour remplacer ou compléter le salaire de l’enseignant.
Pour le gouvernement congolais, en tout cas, cet appel de l’opposition est antipatriotique. C’est même une prise d’otage, un crime que d’utiliser les enfants en politique, disait ce week-end le porte-parole du gouvernement.
■ Au Sud-Kivu, la société civile poursuit le mouvement
La société civile veut obtenir la suppression de la prime payée par les parents en complément ou à défaut de salaires payés par l'Etat. Ce système des primes versées aux enseignants par les familles a été mis en place il y a plus de 20 ans dans la province du Sud-Kivu.
Au tout début, les parents d'élèves achetaient du savon ou de l'huile pour les enseignants, pour compenser les maigres salaires, voire même l'absence de revenus. Mais aujourd'hui, les écoles réclament de l'argent. Un père raconte par exemple qu'il doit payer 80 dollars (soit 71 euros) par trimestre pour chacun de ses cinq enfants. Alors on cherche des solutions alternatives, comme l'explique maître Patient Bashombé, de la société civile du Sud-Kivu : « La possibilité de toucher quelque chose sur chaque bouteille, des prémisses, donc de bière ou de sucré qui est consommé, de toucher juste un petit rien, nous avons noté qu’il y a possibilité effectivement qu’on puisse réunir des moyens pour compenser ce que l’Etat ne sait pas payer ».
De nombreux parents d'élèves soutiennent cette initiative, mais plus l'Eglise catholique qui a finalement retiré sa signature. Au grand regret de ce père de famille. Il se bat contre cette prime et il assure avoir subi des pressions depuis qu'il se mobilise : « J’ai encore trois enfants dans les écoles catholiques. Les autres ont leur a refusé de poursuivre leur cursus tout simplement parce que je milite pour la suppression de la prime ». Ce père soupçonne par ailleurs les églises de tirer profit de ce système, car chaque école met une petite partie des primes de côté pour financer des frais de fonctionnement ou encore des congrégations religieuses.
Du côté du gouvernement provincial du Sud-Kivu, on assure que la question de la prime doit être réglée au niveau national par le gouvernement et les confessions religieuses et on suggère même des Etats généraux de l'éducation.