Zimbabwe: manifestation de l’opposition interdite à Harare

Au Zimbabwe, le gouvernement a interdit toute manifestation dans la capitale Harare pour les deux prochaines semaines. Selon la police, il s’agit de prévenir des troubles à l’ordre public. Cette annonce intervient alors que le pays est secoué depuis plusieurs semaines par un important mouvement de contestation contre le président Robert Mugabe. Un mouvement qui ne cesse de prendre de l’ampleur.

Dix-huit partis politiques avaient appelé à manifester ce vendredi 2 septembre pour une réforme du Code électoral qu’ils estiment biaisé en faveur du parti au pouvoir, la Zanu-PF. Les prochaines élections sont en 2018 et le président Robert Mugabe - 92 ans - a déjà annoncé qu’il se présenterait. Mais cette manifestation a été annulée suite au décret de la police qui a été publié jeudi soir. La police explique qu’elle n’a pas les moyens suffisants pour éviter tout trouble à l'ordre public lors de manifestations dans le centre de Harare.

Vendredi dernier, il devait déjà y avoir un rassemblement de l’opposition. Une manifestation qui, à peine commencée, s’est transformée en heurts entre les manifestants et les forces de l’ordre qui essayaient de disperser la foule. Plus de 70 personnes ont été arrêtées et sont pour la plupart toujours détenues.

Mouvement de contestation

Cette manifestation, comme celle de vendredi dernier, s’inscrit dans un mouvement de contestation plus large que ce soit des partis politiques ou de la société civile qui demandent du changement. L’économie du pays et à genou, le gouvernement n’a quasiment plus les moyens de payer les fonctionnaires et le mécontentement est de plus en plus important.

Suite à cette interdiction de manifester, les partis politiques y voient un geste désespéré du gouvernement qui, après avoir envoyé la police, essaye d’interdire par la loi tout rassemblement. Mais cette interdiction ne concerne que le centre de Harare et donc les partis ont bien l’intention d’organiser d’autres rassemblements en périphérie ou même dans les autres grandes villes du pays.

Un responsable du MDC de Morgan Tsvangirai, important parti d’opposition, confiait à RFI qu’ils allaient appeler à l’ouverture d’un dialogue national avec le gouvernement. En attendant, l'opposition politique appelle à de nouveaux rassemblements dans le pays.

Etat d'urgence non déclaré

Pour Douglas Mwonzora, secrétaire général du principal parti d'opposition, le Mouvement pour le changement démocratique, cette interdiction plonge le Zimbabwe dans un état d'urgence non déclaré.

« Nous allons porter cette interdiction devant les tribunaux, mais surtout nous pensons qu’il faut une solution politique à cette crise », explique-t-il au micro de RFI. Il appelle également à ce que la communauté internationale « face pression sur le Zimbabwe. D’une part pour que le pays revienne à un état de droit. D’autre part, nous voulons qu’il y ait un dialogue entre partis politiques pour aborder les problèmes du Zimbabwe »

Douglas Mwonzora ajoute que cette interdiction de manifester montre selon lui que « le parti au pouvoir a de facto imposé un état d’urgence et a violé les droits des Zimbabwéens. La Constitution zimbabwéenne autorise les manifestations, donc leur interdiction est une violation de nos droits. D’autant plus que c’est la police qui a répliqué à ces manifestations par la violence, en battant les manifestants et en leur jetant des grenades lacrymogènes. »

La justice a également rejeté vendredi une demande de libération sous caution d’une soixantaine de personnes arrêtées lors d’une manifestation de l'opposition la semaine dernière à Harare, qui avait dégénéré en affrontements avec les forces de l'ordre.

Le pouvoir affaibli

En tout cas, cette contestation grandissante intervient alors que le régime est affaibli. Le parti de Robert Mugabe, la Zanu-pf (l'Union nationale africaine du Zimbabwe – Front patriotique) est miné par des luttes de succession.

Le chef de l’Etat apparait quant à lui de plus en plus frêle. Cette semaine, de nombreuses rumeurs ont couru sur l’état de santé de Robert Mugabe après son départ précipité pour Singapour.

Selon Eldred Masunungure, politologue à l'Université du Zimbabwe, Mugabe peut encore compter sur le soutien des militaires qu’il pourrait déployer dans la rue si la contestation devenait trop importante. « Mais la loyauté de l’armée pourrait changer », ajoute l'analyste, si le gouvernement – qui n’a plus de liquidité – n’arrive pas à trouver de nouveaux financements pour payer l’armée.

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