Mausolées de Tombouctou: Ahmed Al Mahdi présente ses regrets devant la CPI

Le procès du Malien Ahmed Al Faqi Al Mahdi s'est ouvert ce lundi matin devant la Cour pénale internationale de La Haye pour crimes de guerre. Le touareg comparait pour la destruction entre le 30 juin et le 11 juillet 2012 de mausolées classés à Tombouctou alors que la ville était alors occupée par les groupes terroristes AQMI et Ansar Dine. L'audience s'est ouverte ce matin par les excuses de l'accusé qui a plaidé coupable.

Avec notre envoyée spéciale à La Haye, Laura Martel

L’audience s’est ouverte ce lundi matin avec les excuses de l’accusé qui a plaidé coupable. « Malheureusement tout ce que je viens d’entendre est véridique et conforme aux événements, je plaide effectivement coupable » : ce sont les premiers mots d’Ahmed Al Mahdi, juste après le rappel des charges quoi pèsent contre lui.

Et l’accusé ne s’est pas contenté de plaider coupable : durant près de 10 minutes il a présenté ses excuses « à mes frères de Tombouctou, à ma mère patrie le Mali, ainsi qu’à l’ensemble de l’humanité ». Puis en insistant sur ses regrets, son coeur lourd et sa tristesse, l’accusé a demandé aux habitants de Tombouctou de lui pardonner.

« Je me tiens devant vous aujourd’hui, le cœur lourd, triste et soucieux, privé de liberté et de la compagnie de mes proches, mais prêt à accepter la sanction que votre cour jugera appropriée, a-t-il déclaré. Je ne peux m’empêcher de caresser l’espoir que votre sanction ouvrira la porte de la réconciliation avec la population de Tombouctou en particulier et avec le peuple malien en général, ainsi qu’avec l’ensemble de l’humanité. »

Des excuses mais aussi une tentative d’explication : « j’étais sous l’emprise d’une bande d’Aqmi et d’Ansar Dine, j’avais cédé à leurs pressions, à leurs tentations », explique l’accusé qui dit avoir été « emporté comme par une forte tempête de sable qui a emporté dans son sillage de nombreux oulémas du pays ».

Mots forts mais visage impassible

Par ses aveux Al Mahdi dit vouloir ouvrir la porte de la réconciliation au Mali. Une intervention qui s’est terminée par un conseil à tous les musulmans : qu’ils résistent à ce genre d’action dont les conséquences sont « sans limites ni bénéfices », dit Al Mahdi.

Un texte fort mais délivré par un accusé au visage paradoxalement sans expression et au regard lointain derrière ses petites lunettes à monture métallique. Un juge s'est d'ailleurs interrogé sur l'apparente contradiction entre les remords exprimés par l'accusé et ses convictions religieuses qui persistent.

La procureure elle a insisté sur l'importance de ce procès et son exemplarité, et l'importance des mausolées à une époque où la destruction du patrimoine est utilisée comme une arme de guerre. Le patrimoine façonne l'identité et la cohésion des peuples a déclaré Fatou Bensouda qui a cité les destructions du groupe Etat islamique  en Syrie et en Irak.

La parole est désormais à l'accusation qui doit avancer les éléments de preuve les plus probants.


Des excuses, et après ?

Excuses sincères ou non, Lalla Touré de l’Association malienne des droits de l’homme estime qu’il n’en a pas fini avec la justice. « En soi, c’est une bonne chose qu’il s’excuse, qu’il reconnaisse les faits mais cela ne doit pas nous faire perdre de vue l’objectif principal : qu’il soit jugé par un procès équitable. Et nous nous souhaitons qu’il soit aussi poursuivi pour d’autres crimes commis dans le nord du pays et notamment les crimes sexuels. »

L’AMDH et d’autres ONG ont en effet déposé une plainte en 2015 à Bamako visant 15 personnes, dont Al Mahdi pour crimes contre l’humanité. « Le message important c’est qu’avec ce procès, les criminels savent qu’ils devront rendre des comptes à Bamako ou ailleurs », conclut-elle.

Si le Mali se félicite de ce « pas historique » pour faire la lumière sur les crimes perpétrés au nord du pays, Bamako précise que la lutte contre l'impunité doit se poursuivre, notamment pour les crimes de sang.

« Les crimes qui ont été commis et qui se commettent toujours dans le nord du pays, ne se sont pas limités à des attaques contre notre patrimoine culturel. Plusieurs personnes, dont des femmes et des enfants, ont été victimes de crimes graves par des groupes armés, non seulement à Tombouctou mais aussi dans d’autres régions », a souligné l’ambassadeur du Mali à Bruxelles, Gaoussou Cisse.

Le ministre malien de la justice était annoncé à La Haye. Finalement, pour des raisons qui n'ont pas été précisée, il n'a pas pu faire le déplacement et c'est l'ambassadeur du Mali à Bruxelles qui a assisté à l'audience et lu une déclaration, rappelant la position de Bamako sur ce dossier.

« Le gouvernement du Mali reste déterminé à poursuivre les auteurs de ces crimes et rendre justice à de nombreuses victimes. Le gouvernement du Mali reste également persuadé que la CPI continuera dans sa lancée et ira jusqu’au bout de son travail en identifiant tous ceux qui portent la lourde responsabilité par rapport aux crimes de guerre, aux crimes contre l’humanité, commis dans le nord de notre pays. L’apport complémentaire de la CPI à la justice nationale est également à saluer à cet égard. »
 

Partager :