Depuis mercredi soir, la porte est fermée et les discussions se poursuivent entre les manifestants, les autorités locales et la délégation envoyée par Bamako. Délégation importante : quatre ministres, ceux de la Sécurité, l'Intérieur, de l'Administration du territoire et celui de l'Aménagement. Avec eux, cinq députés qui connaissent bien Gao. L'opposition déplore que cette délégation ne comporte que des élus de la majorité.
Ce mercredi soir, la situation est plus calme. Ils étaient une centaine de jeunes en milieu de journée à faire face aux forces de l'ordre près du gouvernorat de Gao. Quelques tirs de sommation ont été entendus. Rien à voir cependant avec les tensions de mardi 12 juillet. Si quelques commerces ont gardé leurs portes closes dans les alentours, le calme règne dans le reste de la ville selon les témoins.
Mardi soir, plusieurs jeunes qui avaient été arrêtés ont été libérés au terme de discussions entre la société civile et les autorités. Ils réclament maintenant le départ du chef de la police et du gouverneur de Gao, Seydou Traoré, qui, selon eux, aurait donné l'ordre de tirer sur la foule. Seydou Traoré, de son côté, attribue les violences à des groupes armés : « L’occupation a été caractérisée par la création de groupes d’autodéfense. Il y en a une multitude dans la ville et chacun se bat pour ses intérêts. Parmi ceux-ci, il y a ceux qu’on appelle aussi "les patrouilleurs" et c’est eux qui ont demandé à faire une marche ».
Le gouvernement malien a quant à lui annoncé l'ouverture d'une enquête pour faire la lumière sur ces évènements. Mais « c'est toujours comme cela. Il faudrait que le gouvernement aille vite », implore Maître Moktar Mariko, président de l'association malienne des droits de l'homme. Elle fait partie des 19 ONG qui réagissent après les violences. « Nous pensons que la police n'a pas reçu de formation adéquate dans ce genre d'intervention. Voilà pourquoi nous voulons qu'il y ait davantage de contrôle et de formations avec que les policiers puissent maîtriser l'utilisation de ces armes. Sinon la lutte contre les terroristes est vouée à l'échec parce que les populations se sentant agressées par les forces armées ne collaboreront pas. Or, nous sommes à un moment critique où tout le monde doit se mettre ensemble pour lutter contre le terrorisme. Cela passe par la collaboration et la création de confiance entre les policiers et les populations civiles. »
« Les oubliés de l'accord d'Alger»
Les jeunes ont promis de continuer les sit-in pour protester contre la mise en place des autorités intérimaires. Ces autorités doivent remplacer les collectivités territoriales actuelles et être déployées à partir de vendredi 15 juillet dans les cinq régions administratives du nord du Mali, selon l'accord de paix signé en 2015 par le gouvernement malien et les groupes armés. Issa Boncana Touré, un des organisateurs, craint que des anciens rebelles y soient nommés : « Des gens qui ont violé ici, des gens qui ont pillé, des gens qui nous ont cassés, des gens qui nous ont tout pris. Et au jour d’aujourd’hui, on veut partager notre autorité entre ces hommes-là ? Nous disons non, non, et non aux autorités intérimaires ici à Gao. »
Soumaïla Cissé, président de l'URD qui a signé mardi un communiqué au nom de l'opposition malienne, pointe la responsabilité du gouvernement. Selon lui, les jeunes de Gao font partie des oubliés de l'accord de paix d'Alger : « Tout le monde a des griefs contre l'accord d'Alger. Je crois que ça a manqué d'explications. Les populations sont les principales concernées. Aujourd'hui, on veut intégrer des jeunes dans l'armée. Mais les jeunes de Gao sont oubliés, tout simplement parce qu'ils n'ont pas d'armes. Et ce sont eux les plus courageux qui ont lutté farouchement, à mains nues, contre les jihadistes. C'est injuste de les mettre de côté aujourd'hui. C'est cette colère-là, juste et fondée, qui s'est manifestée hier à Gao. On ne peut pas gérer un pays en donnant la prime uniquement à ceux qui ont porté les armes. »
Autre point de tension : le cantonnement. Ces jeunes souhaiteraient faire partie du processus mais pour l'instant, ils en sont exclus car ils n'ont plus d'armes et les seuls à pouvoir bénéficier du programme de démobilisation et de réinsertion sont les combattants qui acceptent de rendre leurs armes, justement.