Condamnation d'Hissène Habré: quelle indemnisation pour ses victimes?

Au lendemain de la condamnation d'Hissène Habré à la prison à vie, les victimes sont évidemment soulagées. Elles ont exprimé un sentiment de joie immense après l'annonce du verdict, pourtant tout n'est pas encore terminé puisqu’il reste à régler la question des réparations.

La question des réparations fera l'objet d'une autre série d'audiences toujours devant les Chambres africaines extraordinaires. Les juges ont le pouvoir de fixer le montant des indemnisations accordées aux victimes, mais il fallait d'abord savoir si Hissène Habré allait être déclaré coupable ou non. Le verdict désormais connu, ces indemnisations pourront prendre plusieurs formes : être versées soit individuellement à chaque victime ou bien collectivement et ce grâce à un fond de contributions volontaires, de la part d'institutions internationales, de pays étrangers ou d'ONG.

Planning serré

Mais quelle est la valeur d’une vie, d’un handicap ou de séquelles psychiques ? Plus de 25 ans après les faits, voilà une nouvelle difficulté pour la cour et le président Kam. D’autant plus que le planning va être très serré. Les avocats des victimes ont dix jours pour présenter leurs conclusions, un délai extrêmement court alors que le verdict complet n’a pas encore été publié par le greffe.

Dans la foulée, le parquet aura cinq journées pour déposer ses conclusions. Les avocats d’Hissène Habré auront accès à ces documents et vont disposer de vingt jours pour défendre les intérêts de leur client. Enfin, la Chambre aura un mois, avec la date limite le 31 juillet pour délibérer et rendre sa décision.

Il faudra ensuite payer les victimes. Lors d’une conférence de presse, Sidiki Kaba, ministre sénégalais de la Justice s’est expliqué sur ce dossier sensible. « Les réparations sont très importantes. Il va de soi que l’Union africaine s’est engagée à assurer la réparation des victimes, avec l’Etat du tchad qui s’est aussi engagé. Le Sénégal, qui a la responsabilité de l’organisation de ce procès, évidemment, s’y engage, de manière à ce que les victimes n’aient pas seulement leurs yeux pour pleurer, que les victimes aient des montants qui leur permettent d’alléger leurs souffrances. »

Engagement du Tchad

Des réparations sont aussi prévues au Tchad. Après l'arrestation d'Hissène Habré en 2013, le président actuel, Idriss Déby, avait promis que les familles des victimes et les survivants des tortures seraient indemnisés. Et puis, l'année dernière, lors du procès de 20 membres du régime Habré à Ndjamena, la justice avait exigé que les condamnés et le gouvernement tchadien versent 75 milliards de francs CFA, c'est-à-dire 114 millions d'euros, aux victimes. Près de 7 000 personnes s'étaient alors portées partie civile.

Mais le processus est long et laborieux. Un an plus tard, les victimes n'ont rien reçu et c'est une déception de plus : « Nous nous sommes battus pour obtenir cette décision de justice et maintenant le gouvernement nous oblige à nous battre pour obtenir son exécution », explique l’une d’elles.

Si la condamnation d’Hissène Habré est une première victoire, les organisations de défense des droits de l’homme sont toutes d’accord. Une réparation financière est aujourd’hui un passage obligé pour aider les victimes à aller de l’avant.

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