Mauritanie: deux militants anti-esclavagistes libérés sur décision de justice

En Mauritanie, les deux militants anti-esclavagisme Biram ould Abeïd et Brahim ould Bilal sont libres. Ils avaient été condamnés en janvier 2015 à deux ans de prison pour appartenance à une organisation non reconnue et rébellion. Mais ce mardi la Cour suprême de Nouakchott a requalifié les faits ce qui a permis leur libération.

Le 11 novembre 2014, alors qu'ils participaient à une caravane de sensibilisation sur l'esclavage et l'accaparement des terres dans la vallée du fleuve Sénégal, Biram ould Abeïd, président de l'ONG IRA Mauritanie (Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste), et son vice-président, Brahim ould Bilal, avaient été arrêtés.

En janvier 2015, ils avaient été condamnés à deux ans de prison pour appartenance à une organisation non reconnue et rébellion. Un verdict confirmé au mois d'août suivant par la cour d'appel.

Mais ce mardi, la Cour suprême a décidé de requalifier les faits en « rassemblement non armé », passible de deux mois à un an de prison. Les deux hommes ayant déjà passé plus de 18 mois en détention, la haute juridiction a ordonné leur libération immédiate.

Continuer le combat

« C'est un sentiment de victoire sur les tentatives du pouvoir dictatorial de Mohamed ould Abdel Aziz de nous faire taire par la prison arbitraire, par les procès inéquitables, par les incarcérations abusives et par les mauvais traitements aussi accompagnés par des tentatives de disloquer notre mouvement à travers l'achat de certains transfuges », a réagi Biram ould Abeïd.

Le président de l'IRA assure que la bataille continue. « On va continuer notre combat avec d'ailleurs beaucoup plus de ténacité, avec beaucoup plus d'engagement parce que cette bataille que nous a livré le pouvoir a affaibli le pouvoir, l'a discrédité auprès des populations et c'est une occasion pour nous de redoubler d'efforts pour enfoncer le clou et pour le pousser dans ses derniers retranchements », a-t-il souligné. 

Une décision qui réjouit leur avocat, Me Ebety. « La Cour suprême a retracé les irrégularités, les violations, les incompétences du tribunal et de la cour d'appel. Le deuxième point de satisfaction c'est que la Cour suprême permet par cette décision qu'il n'y ait plus en Mauritanie un détenu d'opinion », explique-t-il.

La décision s'applique également à Djibi Sow, président d'une ONG pour les droits culturels, qui avait été arrêté en même temps que les deux dirigeants d'IRA, mais qui avait bénéficié d'une libération provisoire en juin dernier pour raisons de santé.

Des mesures pour lutter contre l'esclavage

Cette libération intervient alors que la question de la persistance de l'esclavage fait toujours débat dans le pays. Les autorités, à commencer par le président de la République, affirment que l'esclavage n'existe plus et préfèrent parler de « séquelles » de l'esclavage. Une agence d'Etat a d'ailleurs été créée pour lutter contre les conséquences sociales et économiques de ces pratiques.

Une position schizophrène selon les ONG nationales et internationales, qui soulignent que les autorités, tout en niant la persistance de l'esclavage et en incarcérant des militants comme ceux de l'IRA d'un côté, multiplient, de l'autre, les mesures pour combattre le phénomène.

Dernière mesure en date, la création, en décembre dernier, de trois cours spécialisées en province. Hasard du calendrier, la première condamnation par l'une de ces cours, celle de Nema, à l'est du pays, vient d'être prononcée lundi. Deux personnes ont été condamnées pour l'asservissement de deux femmes à cinq ans de prison et à une amende d'un million d'ouguiyas, soit 2 800 euros.

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