Le président Muhammadu Buhari est en visite officielle en Chine et son vice-président n'était pas disponible. Seul le président du Sénat Bukola Saraki a assuré le service minimum. Malgré le peu de ferveur autour de lui, le collectif Bring Back our Girls a manifesté comme prévu dans les deux grandes villes.
Dans les rues d'Abuja, la vidéo avec les quinze lycéennes de Chibok a galvanisé le cortège. Néanmoins, certains parents de Chibok ne comprennent pas pourquoi cette information n'est révélée que maintenant. « Qu'est-ce que le gouvernement est en train de nous faire ? La dernière fois que nous avions rendu visite au président Muhammadu Buhari, il prétendait qu'il n'avait aucune information à propos des filles. Alors que les autorités ont en leur possession cette vidéo depuis décembre dernier. Je pense que ce n'est pas propre, ce n'est pas bien du tout », s'interroge une manifestante.
Cette année, les manifestants à Abuja ont été bloqués par un cordon de forces de sécurité à proximité de la présidence. Aucune visite possible au palais. Signe d'une crispation nouvelle avec de la part les autorités ? « De telles choses ont longtemps été mises sous le tapis. C'était ce que voulait la précédente administration. Et il semble que ce soit la voie que le gouvernement actuel est en train d'emprunter. Pour nous, c'est une consécration que partout dans le monde, la question des jeunes filles de Chibok soit revenue au-devant de la scène », se réjouit cet homme.
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A Lagos, même schéma. Le gouverneur n'a pas reçu le cortège, malgré un rendez-vous prévu. Les rangs étaient clairsemés dans la manifestation. Pas de quoi démotiver Funmilayo Ajayi : « Je suis mère. J'ai une grande fille, j'ai une adolescente. C'est tellement douloureux que des filles ont disparu depuis deux ans et qu'elles ne soient toujours pas revenues. » Funmilay promet de se mobiliser tant que les lycéennes de Chibok ne seront pas retrouvées.
Les autorités réagissent avec prudence à la vidéo
Le gouvernement nigérian se réjouit de savoir que certaines lycéennes de Chibok sont en vie, mais selon le ministre de l’Information Lai Mohammed, cette vidéo n’atteste pas de la crédibilité de ses auteurs ni de leurs intentions. « Si l’intention est de dialoguer avec le gouvernement, explique-t-il, je constate que nous n’avons pas été contactés directement, donc il s’agit de bien comprendre le motif de l’initiative de cette vidéo et la crédibilité de la source. »
« La vidéo nous a été fournie par des sources proches des négociations », indique la chaîne américaine CNN sans plus de précisions. Les négociations n’ont pas débuté, corrige Lai Mohammed, qui insiste sur ses conditions : elles devront porter sur l’ensemble des otages avec des interlocuteurs crédibles, ce qui n’est pas encore garanti.
« L’expérience récente du gouvernement nous incite à la plus grande prudence. En juillet dernier nous avons reçu une vidéo similaire, elle a conduit à des négociations sur un chemin tortueux qui nous ont menés à un cul-de-sac », rappelle Lai Mohammed.
En octobre 2014, le gouvernement de l’ex-président Goodluck Jonathan avait annoncé prématurément un cessez-le-feu négocié avec Boko Haram par l’entremise du Tchad. Les pourparlers devaient aussi porter sur la libération des lycéennes, ils n’ont abouti à aucun résultat.