Décembre 1985, à Ndjamena, Robert Hissein Gambier, un métis franco-tchadien, est arrêté par des agents de la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS). La DDS, l’organe de répression du régime Habré, l’accuse d’être un mercenaire libyen. Il va survivre plus de quatre ans dans les geôles et constater l’état de ses codétenus.
« Leurs pieds enflent et les dents tremblent. D’autres sont maigres ! Quand vous soulevez leurs fesses, y’a rien ! La peau et l’os. Ils meurent, ils meurent, ils meurent : une mort atroce », se souvient Robert Hissein Gambier.
Le témoin décrit ensuite la nourriture servie : « Qu’est-ce qui fait mourir tous ces prisonniers ? Leur nourriture est mortelle. C’est mal cuit. C’est la nourriture qu’on donne aux animaux, mais pas à un être humain ».
Puis il raconte les tortures. A la barre, il a amené deux bâtons et présente à la Cour le supplice dit « des baguettes ». « Vous voyez, ils attachent par derrière et ils attachent par devant. Votre tête-là, quand c’est serré, vous voyez le monde à l’envers », a-t-il expliqué.
En mangeant uniquement la nourriture chaude, en buvant de l’eau dès qu’il le pouvait, Robert Hissein Gambier s’est maintenu en vie. Ces geôliers lui ont alors donné ce surnom de Sabagalmoute, « qui court plus que la mort », traduit le détenu.
Désormais malvoyant, handicapé, quasiment sourd, M. Gambier termine sa déposition en s’adressant directement à Hissène Habré : « Je n’oublierai jamais jusqu’à ma mort. Il a crée l’enfer, l’enfer ».