Avec la visite d'Obama, le président kényan veut redorer son blason

Le président américain arrive à Nairobi ce vendredi et le président kényan a dévoilé mardi ses attentes concernant la visite de Barack Obama. Les échanges commerciaux et la lutte contre le terrorisme seront sans doute les deux sujets abordés en priorité, a déclaré Uhuru Kenyatta. Le président a minimisé l'impact des charges de crime de guerre qui pesaient contre lui. La CPI a reporté son procès sine die faute de preuve et la visite d'Obama contribue à redorer son blason.

Durant la campagne électorale de 2013, le diplomate américain en charge des affaires africaines de l'époque avait tenté de dissuader les électeurs kényans d'opter pour un ticket Kenyatta-Ruto. Les deux hommes aujourd'hui respectivement président et vice-président du Kenya étaient alors poursuivis par la CPI pour leur rôle dans les violences qui avaient suivi le scrutin de 2007.

Mais cette page est tournée, a déclaré mardi Uhuru Kenyatta. « Rien ne rapproche plus nos deux pays que les valeurs que nous partageons. Et tous ceux qui ont émis des doutes sur la force du partenariat et de l'amitié entre nos deux pays seraient inspirés de revenir sur leurs analyses », a claironné le président kényan.

La CPI a abandonné les charges contre Uhruru Kenyatta en décembre faute de preuves, mais son vice-président n'est pas tiré d'affaire. Cela ne fait pas obstacle à une poignée de main entre William Ruto et Barack Obama, a déclaré Kenyatta. Le sujet fait couler beaucoup d'encre au Kenya. « Il ne fait aucun doute qu'Obama vient rencontrer le gouvernement qui est en place, c'est-à-dire tous ses membres donc cette question n'a pas lieu d'être, car autant que je me souvienne le vice-président fait partie de ce gouvernement, donc nous allons tous nous rencontrer et faire ce que nous devons faire, et ce qui va nous occuper concerne le Kenya et les Etats-Unis », a assuré Uhuru Kenyatta.

Le président kényan cherche à réunir le maximum de capital politique avec la visite d'Obama. Il semble savourer ce retour en grâce. Alors que le modérateur a sifflé plusieurs fois la fin de la conférence de presse mardi au palais présidentiel, Uhuru Kenyatta a au contraire encouragé les journalistes à lui poser des questions supplémentaires.

Les droits des homosoxuels, « un non-sujet »

En revanche, sur les droits des homosexuels, le président a été très clair : il s’agit d’« un non-sujet ». Et cette question n’est pas prioritaire dans les relations entre le Kenya et les Etats-Unis, a-t-il déclaré lors de la conférence de presse.

Alors que la Cour suprême américaine a validé le mariage gay, au Kenya, les membres d’églises évangéliques ont menacé de descendre dans la rue si cette question était inscrite au menu de la rencontre bilatérale entre les deux chefs d’Etats. Au bidonville de Kibera, Bildad, qui nettoie des voitures, demande à l’équipe d’Obama de faire l’impasse sur le dossier de l’homosexualité. « Nous serons en colère s’il parle du mariage gay, prévient-il. On n’en veut pas ici au Kenya car dans notre culture c’est mal. »

Le forum de l’élite chrétienne du Kenya (CPF) met en garde contre ce qu’il appelle l’impérialisme culturel d’Obama par la voix de son vice-président Charles Kanjama : « Nous ne voulons pas que les Kényans, parce qu’Obama vient d’une superpuissance plus avancée que la nôtre, pensent que ses idées sont elles aussi plus avancées, explique-t-il. Les Kényans doivent rejeter la plateforme pro-gay d’Obama. »

Au Kenya, les actes homosexuels constituent un crime passible d’une peine maximale de 14 ans de prison, mais l’article 1-61 est rarement appliqué. Ce qui n’empêche pas les homosexuels d’être stigmatisés. A la radio nationale, la semaine dernière, un présentateur a fait état d’une augmentation de cas d’homosexualité dans les lycées comme s’il s’agissait d’un virus.

Regina Opondo dirige l’organisation CRECO. « Nous assistons à une montée de l’homophobie dans la rhétorique publique, dans les déclarations, dans les manifestations, donc la communauté LGTB se sent vulnérable à l’heure actuelle », souligne-t-elle.

Le vice-président William Ruto avait déclaré en mai qu’il n’y avait pas de place pour l’homosexualité au Kenya, et un groupe, qui n’est pas pris très au sérieux ici, prévoit de manifester nu pour rappeler à Obama la différence entre un homme et une femme.

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