Le précédent sommet de l'Afrique de l'Est, il y a un peu plus d'un mois, avait fait trois recommandations au gouvernement burundais : repousser les élections, désarmer les milices et entamer un dialogue avec l'opposition. On connaît la suite : les élections locales précipitées, la présidentielle déjà bien lancée, l'absence de dialogue et surtout toujours la violence. La récusation du médiateur de l'ONU Abdoulaye Bathily dimanche renforce encore cette impression de fuite en avant.
Il y a une certaine exaspération dans les pays voisins et il y a surtout la crainte de voir cette crise s'étendre et menacer la paix au-delà des frontières du Burundi. Déjà l'afflux de réfugiés pose des défis sécuritaires et sanitaires en Tanzanie avec l'apparition du choléra.
Les chefs d'Etat de l'Afrique de l'Est vont-ils cette fois émettre un message ferme ? Et surtout, sauront-ils parler d'une même voix ? On dit le président tanzanien Jakaya Kikwete plus conciliant vis-à-vis de Pierre Nkurunziza que d'autres comme le président rwandais Paul Kagamé.
L'opposition en nombre au sommet
Le président Pierre Nkurunziza ne sera a priori pas présent à Dar es Salaam. En revanche l'opposition s'est déplacée en nombre. L'opposant Jean Minani, candidat à la présidentielle, est en Tanzanie. Pour lui, il est temps de passer aux sanctions. « Ce sommet devra constater que le gouvernement Nkurunziza n’a rien fait, ne veut rien entendre et qu'il faut donc commencer à prendre des sanctions, estime-t-il. Il faut envoyer rapidement des experts militaires pour aider à désarmer la milice Imbonerakure. Mais il faut aussi envoyer en grand nombre des experts d’observation des droits de l’homme et prendre des sanctions personnelles contre Nkurunziza, contre le gouvernement. Et dire clairement que s’il se fait réélire, son gouvernement ne sera pas reconnu et qu’il y aura gel de toutes les aides qui étaient versées au gouvernement burundais. »
De son côté, l'ancien président burundais Domitien Ndayizeye mise beaucoup sur le poids des institutions africaines.
Difficile dialogue
Mais opposition et société civile burundaises ne se font guère d’illusion même si elles veulent croire que les autres pays de la communauté des Etats d’Afrique de l’Est ne seront pas frileux cette fois. Agathon Rwasa, principal leader de l’opposition, espère qu’ils vont suivre la communauté internationale qui a condamné sans réserve les législatives et communales de lundi, organisées unilatéralement par le pouvoir burundais : « Il faut que la communauté est-africaine se joigne à toute la communauté internationale pour condamner les élections organisées de façon unilatérale. Les partants ne sont pas crédibles et il faut organiser de nouveaux scrutins conformément à la proposition de la facilitation ».
Il s’agirait de regrouper présidentielle, législatives et communales le 30 juillet, un point de vue que rejette totalement la mouvance présidentielle bien décidée à imposer le fait accompli. Gaston Sindimwo, secrétaire général de l’Union pour le progrès national (Uprona) reconnu par le gouvernement : « Je pense que les chefs d’Etat de la sous-région vont féliciter le Burundi d’avoir organisé les élections dans les conditions que nous connaissons très bien et réussi ces élections malgré les protestations des uns et des autres. Je suis confiant. Ce n’est pas les chefs d’Etat qui devraient accepter les résultats, mais c’est le Burundi. Ils n’ont qu’à prendre acte si c’est la décision des Burundais ».
Les chefs d’Etat de la région sont prévenus : la présidentielle, c’est le 15 juillet. On n’y touche pas selon la mouvance présidentielle, question de souveraineté nationale.