[Reportage] Burundi: deux scrutins sans regards extérieurs

Au Burundi, on attend les résultats des législatives et des communales, deux scrutins très critiqués sur fond de contestation contre le troisième mandat de Pierre Nkurunziza. La communauté internationale a dénoncé la fuite en avant des autorités burundaises. Certains pays et organisations menacent de suspendre leur aide. Le gouvernement parle d’une question de souveraineté et de la nécessité d’éviter tout vide institutionnel. L’opposition et la société civile avaient appelé au boycott. Malgré une participation très contrastée, le président de la Céni évoquait mardi 30 juin une estimation du taux de participation de 75 à 80 %.

Conversation aux alentours d'un bureau de vote au Burundi entre RFI et un électeur un peu perdu :

« Je suis venu pour faire élire ! »
- Pour voter ?
- « Oui, pour voter. »
- Je peux vous suivre ? Pas jusqu’à l’isoloir, mais juste pour regarder comment ça se passe ?
- « Le rouge, c’est pour les députés. Ça, c’est pour les conseillers communaux. »
- Vous trouvez ça compliqué, comme procédure ?
- « Oui, surtout qu’on peut confondre les couleurs. »

La commission électorale veille

Quelque 11 493 bureaux de vote et deux scrutins, une organisation complexe. Or, les principaux bailleurs de fonds ont suspendu leur aide financière et assistance technique. A Bujumbura, comme dans les provinces contestataires, il a fallu déployer l’armée et la police, car des bureaux de vote ont été attaqués dans les jours précédents. C’est dans ces provinces que d’importants retards, des dysfonctionnements et irrégularités ont été enregistrés. Partout, la commission électorale fait tout pour qu’un maximum de gens puissent voter.

- Vous avez encore beaucoup de cartes d’électeurs ? Il y a eu un problème avec la distribution ?
- « Non, il n’y a pas de problèmes. Il y a des gens qui ont choisi de les prendre ici. »
- Ah ! Ils peuvent encore les récupérer aujourd’hui ?
- « Oui, aujourd’hui, des gens se sont faits inscrire. »

Autres facilitations : il était possible de voter dans n’importe quel bureau de vote et pas nécessairement dans ceux où les électeurs sont inscrits. Certains bureaux laissaient voter des électeurs sans carte d’identité. Mais malgré la tension, les scrutins se sont déroulés dans le calme.

Déception sur la participation

- Combien de personnes ont voté ?
- « Six personnes. »
- Il est quelle heure ?
- « 8h32. Six électeurs, c'est peu, c'est trop peu. »

Six électeurs à Ijenda, deux heures après l’ouverture officielle des bureaux de vote. C'est une zone contestataire. Mais dans certains bureaux de provinces réputés proches du parti au pouvoir, on peut sentir une certaine déception.

- Alors, comment ça s’est passé depuis ce matin ? 
- « Depuis le matin, vous voyez que c’est très peu ! »
- Pourquoi, c’est très peu ?
- « Je ne sais pas... »
- Combien vous avez d’inscrits dans ce bureau ?
- « Le nombre d’inscrits, c’est 335. »
- Et il y a combien de votants ?
- « 227. Ce n’est pas beaucoup par rapport à 2010. »

En 2010, l’opposition avait déjà boycotté les législatives et le taux de participation était d’environ 66 %. Aujourd’hui, le président de la Céni évoque, comme estimation du taux de participation, une fourchette entre 75 et 80 %.

En deuxième position ?

La légitimité par les urnes, c’est ce que cherche le pouvoir au Burundi. Or, en guise de protestation, l’Union européenne et même l’Union africaine ont décidé de ne pas assurer le monitoring des élections. La mission électorale onusienne, la Menub, n’a que 104 observateurs et ne fera ni rapport, ni communiqué public.

Les principales radios privées du pays sont toujours fermées, sur ordre du gouvernement. Les deux scrutins se sont donc déroulés sans regards extérieurs. Mais surprise ! Selon les premières estimations, la principale coalition d’opposition pourrait être en deuxième position derrière le parti au pouvoir. Une opposition qui dénonce une nouvelle manipulation pour tenter de crédibiliser ces élections.

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