La jeune femme de 27 ans est l'une des rares à accepter sans broncher les interviews. C'est sûrement cet aplomb qui lui a permis de tenir pendant les cinq mois qu'elle a passés captive de Boko Haram, elle qui s'est occupée, en plus de sa petite fille, de sept enfants de son quartier séparés de leurs parents au moment de leur enlèvement : « Ils nous donnaient de très petites quantités de nourriture. Je cuisinais ce que j'avais et je partageais d'abord entre tous les enfants. Souvent je ne mangeais pas, les enfants étaient ma priorité ».
Aujourd'hui, il y a plus de nourriture, mais sa fille de deux ans a le ventre encore bien gonflé, et elle ne reçoit aucun traitement. Une nouvelle épreuve après les coups infligés à celles qui, comme elle, ont refusé d'épouser un combattant : « On priait tout le temps parce qu'on ignorait si on serait libérées un jour. Certaines de celles qui refusaient de coucher avec Boko Haram avaient baissé les bras, elles pensaient qu'elles seraient tuées par les combattants. On ne pensait pas s'en sortir. »
Si elle montre son visage bien volontiers, c'est aussi pour être reconnue par son mari, qu'elle rêve de retrouver : « J'ai appris qu'il était toujours vivant, mais il n'y a pas de réseau téléphonique dans ma région donc je ne sais pas s'il est encore dans notre village ou dans un camp de déplacés autour de Maïduguri. Maintenant que je suis ici, on passe à la télévision, j'espère qu'il me verra et qu'il viendra me chercher. »
Avant de terminer, affirmant avec un regard malicieux : « Ici, quand une femme aime, ça veut dire quelque chose ».