Libye: témoignage d’un candidat à la traversée vers l’Europe

Quatre-vingt-quatre migrants d'origine subsaharienne dont le canot pneumatique était en train de couler ont été sauvés de justesse jeudi 23 avril au large de la Libye à environ 64 km de la côte. Au même moment, 220 autres migrants sauvés un peu plus tôt débarquaient à Catane en Sicile. Malgré les drames qui se suivent, ils sont encore nombreux à tenter de quitter la Libye par la mer pour rejoindre l'Europe. Témoignage d’un candidat à la traversée.

Avant de parler, ce jeune sénégalais demande si la ligne téléphonique est sécurisée. Il préfère rester anonyme. Arrivé il y a dix mois en Libye, après un parcours ponctué d'humiliation et de racket, Thierno, nous l'appellerons ainsi, pensait trouver un peu d'argent et repartir au Sénégal. Mais très vite, il déchante : « On est là, on ne vit pas. On n’est pas traité comme des êtres humains. On dirait que nous, ne nous sommes pas des Africains. »

Parce qu'il n'a plus le choix explique-t-il, Thierno décide de prendre la mer il y a deux mois. La pirogue qu'il partage avec une centaine de personnes finit par prendre l'eau, mais il s'en sort miraculeusement contrairement à d'autres. « Notre bateau a pris l’eau. On a fait demi-tour, on a failli mourir. » Sauvé de justesse, Thierno est emprisonné pendant un mois après le naufrage.

Rester en Libye devient de plus en plus difficile dit-il, mais retraverser le Sahara dans l'autre sens est aussi impensable. Thierno se dit prêt à reprendre la mer aujourd’hui malgré les drames de ces derniers jours. « Il vaut mieux risquer la mer que rester emprisonner. Comment vivre ici ? Tu ne peux pas retourner d’où tu viens. Le seul moyen que l’on a ici, c’est de risquer notre vie à la mer. » Prendre la mer, pour gagner l'Europe et retrouver sa dignité, et surtout la liberté explique le jeune sénégalais qui n'ose pas regarder dans les yeux les Libyens qu'il croise dans la rue, de peur d'aggraver son sort.


A Bruxelles, François Hollande demande un règlement de la situation en Libye

A Bruxelles s’est tenu jeudi 23 avril un Conseil européen extraordinaire pour faire face aux drames de l'immigration clandestine en mer Méditerranée. Les dirigeants des 28 pays membres de l'Union européenne ont examiné une série de mesures pour tenter de limiter le nombre de naufrages et de lutter contre les filières d'immigration clandestine. Plusieurs dirigeants européens souhaitaient aborder la question de la situation en Libye, pays d’Afrique du Nord d'où sont parties la plupart des embarcations qui ont fait naufrage ces dernières semaines.

A son arrivée à Bruxelles, François Hollande, le président français, s’est exprimé sur le sujet : « Si le monde reste indifférent à ce qui se passe en Libye, alors même si l'on met davantage de moyens, davantage de surveillance, davantage de présence en mer, davantage de coopération, davantage de lutte contre les terroristes, il y aura toujours cette cause terrible qui est le fait que ce pays n’est plus dirigé, il n’est même plus gouverné il est dans le chaos. Et la question est de savoir comment se fait-il qu’après une intervention il y a maintenant plus de trois ans et demi, il y n’ait eu aucune réflexion sur ce qui devait se passer après. Alors maintenant, il s’agit de réparer les erreurs d’hier. »

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