C’est en septembre que la justice française est informée de l’existence d’Emile Gafirita. Le juge d’instruction est très clair : Marc Trévidic ne souhaite pas rouvrir l'instruction, close début juillet « à la légère ». Evoquant des manipulations passées, il exige de connaitre l’identité du témoin.
Dans sa lettre au juge, Émile Gafirita parlait des tentatives d'assassinats à son encontre. « Je ne vois pas en quoi indiquer son identité serait un risque supplémentaire », rétorque alors le juge d'instruction français. Exit l'anonymat prévu par l'article 706-58 du code français de procédure pénale puisque seul le juge d'instruction et le procureur peuvent la demander. Or, c'est la seule possibilité de protection qui présente toutefois l'inconvénient majeur de retirer de la déposition tous les détails qui peuvent identifier le témoin et donc, dans le cas présent, de crédibiliser son témoignage.
Émile Gafirita accepte les conditions du juge et c'est par l'intermédiaire du journaliste français Pierre Péan - curiosité - que sa pièce d'identité est transmise à son avocat... Le mail est immédiatement transféré au magistrat. Et dans les rangs du pouvoir au Rwanda, on se gausse déjà de ce témoin « amené » par Pierre Péan, personnalité régulièrement attaquée par Kigali et qui par le passé a déjà interviewé d'autres témoins à charge.
« Mais la fausse identité sous laquelle vivait Emile Gafirita et le pays où il résidait ne figurait pas au dossier », tient à souligner Me Leon-Lef Forster, avocat des accusés, dignitaires du régime rwandais.
Dans l'attente de sa convocation, qui n'arrivera que le jour de sa disparition, Emile Gafirita écrit à son avocat : « le plus vite serait le mieux avant qu'ils ne me fassent taire à jamais. »