Des salves de tirs résonnent dans l'air, ce 2 décembre à Béni. Depuis cinq heures du matin, des centaines d’habitants de Béni manifestent leur colère. L’armée et la police tirent pour disperser la foule. Kim est l’un d’entre eux : « Nous sommes toujours en colère parce que chaque jour, il y a des tueries, vraiment il faut que ça cesse ».
Colère, car dans la nuit, huit personnes au moins ont été tuées à coups de machettes et par balles dans un quartier de Béni sans que les autorités interviennent à temps. La population n’en peut plus : « Ils ne sont même pas capables d’aller à la périphérie pour aller sécuriser la population qui se trouve là-bas. Il faut que le président prenne des mesures pour sécuriser. Et puis la mairie, et puis le gouverneur », lance cet homme.
« Nos voisins, nos filles et nos garçons sont morts »
« Laissez-nous passer pour détruire la mairie », crie un des manifestants, mais la police tire. La statue de Joseph Kabila sur un rond-point a été détruite. Une femme s’avance, les huit personnes ont été tuées dans sa rue : « Nous sommes fatiguées, nous, les populations de Béni. Tueries, massacres, en tout cas nous sommes fatigués. Il n’y a pas moyen. Même nos voisins, nos filles et nos garçons sont morts aujourd’hui dans la morgue, dans mon avenue, devant ma maison ».
Au bout d’une heure et demi d’échanges de tirs et de pierres, un calme précaire s’installe. Un petit groupe de manifestants et hommes armés se font face. Certains transforment les douilles trouvées par terre en sifflets.
Plus tard dans la matinée, des tirs résonnaient encore ici dans le quartier. En début d'après-midi, le calme semble revenu. Mais le gouverneur du Nord-Kivu et le maire de la ville, tous deux expliquent qu’il a fallu disperser les manifestants particulièrement en colère, des habitants armés de pierres qui voulaient saccager la mairie. Reste que deux manifestants au moins ont été blessés par balles ce matin, l’un dans le bas du dos, l’autre à la cheville.
Partout, les traces des affrontements sont visibles
Le calme semble donc revenu, les rues sont vides mais partout des traces d’affrontements sont visibles, des traces de pneus qui ont brûlé, de barrages de fortune, mis en place par les manifestants en colère, sur les grandes artères de la ville.
Un couvre-feu va être déclaré à partir de 18 heures ce soir. La mairie annonce également une réunion d’urgence pour tenter de prendre des mesures car il y a deux semaines à peine, trente personnes déjà étaient tuées à Beni. Les habitants ont donc le sentiment qu’il n’y a eu aucun progrès depuis.
Incertitude sur le bilan
Mais des incertitudes restent nombreuses aussi à la mi-journée, d’abord par rapport au bilan de ces tueries. Les dépouilles de six civils et de deux militaires reposent à l’hôpital général, mais deux autres corps ont été découverts ce matin, selon le maire de la ville, dans un autre quartier de Béni. Le bilan pourrait encore s’alourdir.
Incertitude aussi quant à l’identité de ces assaillants. Les autorités parlent toujours de rebelles ougandais ADF, mais aucun d’entre eux n’a été attrapé hier soir. Il est donc extrêmement difficile pour le moment d’attribuer cette attaque à un groupe armé en particulier.