Ebola: éviter que la crise sanitaire provoque une crise alimentaire

L’épidémie d’Ebola qui continue de se propager en Afrique de l’Ouest a des conséquences indirectes sur les récoltes et les prix des produits de base dans les régions les plus touchées. Le Programme alimentaire mondial ( PAM) va étendre ses intervention et prévoit de distribuer de la nourriture à 1 million de personnes. Sur le plan sanitaire, les différents acteurs se préparent à agir dans la durée.

L’Organisation mondiale de la santé a demandé au PAM d'étendre ses interventions à un million de personnes en Sierra Leone, au Liberia et en Guinée. Dans les zones les plus touchées, le virus de fièvre hémorragique Ebola a un impact indirect sur les récoltes et les prix des denrées de base. 

Insécurité alimentaire aggravée dans les zones d'isolation

Les conséquences sont particulièrement prégnantes dans les zones d’isolation « où, il y déjà une insécurité alimentaire chronique, les gens ne vont plus pouvoir vaquer à leurs activités habituelles, aller à leurs champs. Le commerce va être perturbé. En général, cela engendre des flambées de prix sur les marchés, et les ménages les plus pauvres ne peuvent plus s’approvisionner », explique Fabienne Pompey, porte-parole du Programme alimentaire mondial à Dakar.

« Le PAM intervenait déjà dans les pays touchés par l’épidémie, en distribuant de la nourriture aux malades, aux gens en quarantaine, aux familles des gens infectés », explique-t-elle. Désormais, le PAM va « amener de la nourriture aux gens qui sont dans les zones d’isolation où il y a des restrictions de mouvements » avec pour objectif est d’« éviter qu’une crise sanitaire ne se transforme en crise alimentaire ». Un million de personnes seront concernées par cette extension des opérations du PAM en Afrique de l’Ouest qui est pour l’instant prévue pour durer trois mois. « Tant que les besoins continueront, on interviendra et on apportera de l’assistance », souligne cependant Fabienne Pompey.

Une réponse sanitaire qui se structure pour une réponse dans la durée

Sur le plan sanitaire également, les acteurs institutionnels et les ONG se préparent à faire face à la crise sur la durée et au niveau de la sous-région. Les spécialistes s'accordent sur la nécesssité de renforcer les moyens de lutte contre l'épidémie. Depuis cinq mois, l’épidémie a déjà fait 1145 morts, selon un dernier bilan délivré par l’OMS, qui souligne que ces chiffres sont sous-évalués. Le virus a fait 413 morts au Liberia, 380 en Guinée, 348 en Sierra Leone et 4 au Nigeria.

La Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) vient ainsi d’installer une plateforme régionale de lutte contre Ebola à Conakry, en Guinée, où l’OMS a déjà sa cellule. « On a besoin d’une approche régionale face à une épidémie régionale. Il faut que les trois pays les plus affectés (Liberia, Guinée et Sierra Leone) et le Nigeria soient au même niveau de réponse, pour éviter qu’il y ait des transmissions d’un pays à l’autre », insiste Benoit Carpentier porte-parole de la FICR.

« On est partis pour une réponse qui va durer au mois six mois. Et il faut pouvoir soutenir l’effort pendant ces six mois. Au niveau des ressources humaines, c’est très compliqué, parce que tout le monde est un peu à ses limites. Et c’est un travail dangereux pour les personnels de santé », souligne-t-il. Rappelant le lourd tribut payé par les personnels de santé, en particulier en Sierra Leone où l’un des principaux épidémiologistes du pays a été emporté par la maladie, Benoît Carpentier souligne également la nécessaire réorganisation des soins qui doit être menée dans des pays où les structures de santé sont « sont assez faibles ».

En Sierra Leone, « l'épidémie s'est propagée à tout le pays »

Il insiste particulièrement sur le cas de la Sierra Leone, où l’on se trouve actuellement « face à une épidémie qui s’est propagée au niveau du pays ». « Il n’y a plus qu’un district de Sierra Leone qui n’a pas été touché » par Ebola. Si la priorité est de localiser toutes les personnes infectées, il s’agit désormais également d’être au plus près d'elles pour pouvoir les soigner. « On n’est plus dans les centres de traitement juste au niveau des épicentres. Il faudrait pouvoir prendre en charge les gens près de l’endroit où ils habitent, sans avoir à les transporter pendant dix heures jusqu’au centre le plus proche », insiste Benoît Carpentier. Le président sierra-léonais et l’OMS ont d’ailleurs confié à la FICR la mise en place d’un tel centre de traitement. Mais les conditions sont difficiles. « On est en pleine saison des pluies. Les terrains sont inondés, il y a beaucoup de problèmes logistiques », rapporte Benoît Carpentier, assurant que le centre de 60 lits sera prêt « dans les prochaines semaines ».

Outre la lutte contre Ebola, il s’agit également de lutter contre un autre phénomène : « Maintenant, les gens ont presque peur de se rendre à l’hôpital ou dans un centre de santé, parce qu’ils ont peur que si ils ont un peu de fièvre, on va les mettre en quarantaine », expose le porte-parole de la FICR. Conséquence : « Il y a des gens qui meurent d’autre chose parce qu’ils n’ont pas accès aux soins ou qu’ils ont peur de rendre dans les centres de santé ».

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