Pour le HCR, l'urgence c'est la Syrie et ses 3 millions de réfugiés

Ce 20 juin est la journée mondiale dédiée aux réfugiés, ceux qui doivent quitter leur pays à cause d'un conflit, d'une catastrophe, ceux qui doivent quitter leur maison, leur famille et leurs proches. En 2013, 16,7 millions de personnes étaient prises en charge par le HCR, l'agence de l'ONU chargée des réfugiés, un chiffre en hausse. Philippe Leclerc du Haut Commissariat des Nations unies répond aux questions de RFI.

RFI : Ce vendredi 20 juin est la journée mondiale dédiée aux réfugiés. 16,7 millions étaient pris en charge par le HCR à la fin de l’année dernière. Est-ce un chiffre en hausse ?

Philippe Leclerc : Un chiffre en hausse avec 2,5 millions de réfugiés en plus suite aux crises qui se succèdent. La  situation en Syrie qui continue malheureusement, la situation en République centrafricaine, le Soudan du Sud : des crises qui ne sont plus gérées, avec un manque de solutions trouvées par la communauté internationale. Tout cela rend le nombre de réfugiés plus important, et des personnes également déplacées à l’intérieur de leur propre pays qui augmentent aussi en raison du déplacement forcé.

Il y a aussi ce premier chiffre à retenir : 16,7 millions de réfugiés à la fin 2013. Il y a aussi les déplacés, les déplacements forcés dépassent les 50 millions de personnes pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale...

En effet, c’était très difficile à l’époque de la Seconde Guerre mondiale de savoir exactement combien de personnes ont été déplacées mais on retrouve, malheureusement encore une fois, un nombre comparable à la situation de la Deuxième Guerre mondiale.

Où sont les urgences aujourd’hui ?

La première urgence, ne serait-ce que par la population concernée et la violence du conflit depuis trois ans, c’est la Syrie avec plus de 3 millions de réfugiés à l’extérieur de la Syrie et 6,5 millions de personnes déplacées à l’intérieur de la Syrie, pour une population totale de 21 millions. Un nombre considérable de réfugiés syriens sont au Liban, 1,1 millions, ça c’est le nombre de personnes enregistré par le HCR, et ça représente un quart de la population totale du Liban. Donc la Syrie ça fait trois ans, il y a peu de solution en vue, donc le HCR continue de donner la priorité à l’aide aux pays qui accueillent ces 3 millions de personnes, c'est-à-dire le Liban, la Jordanie, la Turquie, l’Irak qui, aujourd’hui, est à feu et à sang et qui continue de recevoir des réfugiés syriens.

Le deuxième conflit très important est le Soudan du Sud, avec un Etat nouveau qui, malheureusement, est en proie à des dissensions internes qui produisent un grand nombre de réfugiés et également des réfugiés internes. Et enfin la République centrafricaine où la situation tarde à se restaurer et où, encore une fois, la violence continue dans une grande partie du pays. Et cela génère des déplacements de population.

Est-ce qu’aujourd’hui le HCR a les moyens d’y faire face ?

Nous n’avons pas les moyens suffisants et c’est pour ça que nous devons appeler les Etats qui restent les principaux contributeurs financiers à l’assistance humanitaire dans les pays qui accueillent les réfugiés, à nous donner davantage pour que la société civile, ce n’est pas le HCR seulement, c’est d’autres agences des Nations unies, ce sont les ONG tant internationales que nationales qui travaillent ensemble pour répondre à ces défis. Aujourd’hui en Syrie, seuls 28% des financements nécessaires nous ont été donnés pour l’année 2014. Moins d’un tiers, ça veut dire qu'il y a des choix très douloureux à faire. Ça veut dire qu'en termes d’éducation, d’assistance alimentaire, de soins de santé, il faut faire des choix et ces choix affectent les populations.

Alors il y a l’argent, il y a la main tendue aussi. En octobre 2013, François Hollande s’était engagé à accueillir officiellement 500 réfugiés syriens en France à votre demande, à celle du HCR. Aujourd’hui, il y aurait à peine une cinquantaine de personnes accueillies en France ?

Un peu plus, presque 100 personnes sont arrivées jusqu’à la fin du mois, 300 arriveront en provenance à la fois d’Egypte et du Liban et bientôt de Jordanie, 500 arriveront, je l’espère, avant la fin de l’année.

Cinq cents, ce n’est pas beaucoup, pourquoi cela prend autant de temps pour accueillir à peine 500 personnes ?

Il faut penser à ces trois millions de réfugiés, à travers les pays qui sont limitrophes de la Syrie, identifier les plus vulnérables d’entre eux pour pouvoir les acheminer en France et dans différents Etats de l’Union européenne. En effet 500, ce n’est pas beaucoup au regard des 3 millions de personnes mais pour les personnes concernées, les plus vulnérables, des enfants handicapés qui ont été accueillis en Isère, pour toutes ces familles c’est une véritable solution. Et on espère que la France ira au-delà de ces 500. On espère que la situation en Syrie permettra un retour, ce n’est absolument pas le cas aujourd’hui et il faut contribuer à aider les populations et les pays qui sont en première ligne.

Vous étiez en Centrafrique au mois de février, vous y avez passé plus de deux mois et vous disiez en mars dernier que les ONG, les organisations internationales avaient tardé à répondre aux besoins du pays. Est-ce qu’aujourd’hui, ça s’est amélioré sur place ?

Il y a des éléments qui se sont améliorés mais la situation reste très volatile avec des violences dans l’ouest du pays, dans l’est du pays et y compris à Bangui. Malgré les efforts français et africains à travers le déploiement de forces militaires, qui continuent de ne pas être suffisantes et, avant l’organisation sous l’égide des Etats-Unis en septembre, l’organisation de l’aide militaire et humanitaire, on est toujours dans une situation de transition où des populations continuent de fuir au Cameroun, au Tchad, au Congo et arrivent dans une situation de dénuement où des enfants, des personnes âgées qui ont été rouées de coups doivent être aidées, et là encore que se soit au Cameroun, au Tchad ou en République centrafricaine même, les besoins ne sont pas donnés.

Est-ce que le HCR comme les autres organisations internationales ou les ONG peuvent travailler aujourd’hui en Centrafrique ?

C’est possible à Bangui, c’est plus difficile dans l’est et dans l’ouest de pays, des massacres ont pu continuer, notamment à l’ouest, on a pu en être témoins, il faut chercher à prévenir ces massacres. Le rôle des ONG et des agences humanitaires, c’est d’identifier les populations les plus vulnérables afin d'éviter que des massacres puissent continuer et surtout les aider sur place en forêt, en brousse et c’est ça qui est le plus difficile aujourd’hui pour des raisons de sécurité essentiellement.

Il y a les réfugiés de guerre, il faut aussi compter aujourd’hui avec les déplacés liés aux changements climatiques, aux crises économiques, à l’insécurité alimentaire, ce sont là les nouveaux défis du HCR ?

Le mandat du HCR, c’est de couvrir la situation des réfugiés, c’est-à-dire les personnes qui fuient la persécution ou le conflit armé. Il y a la convention de Genève qui existe, plus de 160 Etats ont ratifié cette Convention. Pour les autres raisons, qui font que les personnes se déplacent comme le changement climatique, les catastrophes naturelles, il n’y a pas de convention qui couvre ces situations. Donc le HCR avec d’autres organisations cherchent à engager un dialogue avec les Etats pour qu’ils coopèrent dans des situations où des personnes auraient à fuir et franchir des frontières à la suite de cataclysmes naturels : beaucoup de travail mais pas de convention internationale à ce jour.

400 000 personnes ont pu rentrer chez elles à la fin de l’année, 400 000 anciens réfugiés, c’est moins que l’année précédente. Dans un rapport du HCR de 2012, vous notiez que justement ce retour était souvent décidé unilatéralement par les pays, par les organisations internationales, alors que la solution devrait être négociée justement avec les réfugiés et leur pays d’origine.

400 000 personnes, c’est pratiquement le plus bas chiffre de personnes qui sont rentrées dans leur pays d’origine de manière volontaire lorsque la situation s’arrête. Ca montre encore une fois que la communauté internationale n’est pas capable de résoudre les conflits et même lorsque les gens rentrent et qu’on regarde qui sont ces 400 000 personnes, ce sont des personnes rentrées en Syrie, en Afghanistan, en Irak dans des situations qui sont encore très précaires. Bien sûr, il faut que le rapatriement, le retour soit volontaire et l’essentiel du travail du HCR est de travailler avec les réfugiés pour voir avec eux si les conditions de retour sont supportables, raisonnables et, à ce moment-là, qu’ils puissent faire un choix, et dans beaucoup de situation ce choix ne peut pas être fait.

Partager :