La crise centrafricaine au menu de la rencontre Hollande et Kabila

Le président congolais Joseph Kabila est reçu ce mercredi 21 mai à l'Elysée par son homologue français François Hollande. Au centre de cette visite, des questions de coopération économique, mais la crise centrafricaine est le principal sujet de préoccupation pour les deux chefs d'Etat. Thierry Vircoulon, directeur du programme Afrique centrale d'International Crisis Group, est l’invité de RFI. Il revient sur cette visite.

RFI: Au centre de cette visite de Kabila, la crise centrafricaine. Pourquoi c’est important pour la France de discuter de cette crise avec Joseph Kabila ?

Thierry Vircoulon : Parce que la RDC contribue à la Mission de maintien de la paix sur le terrain, parce qu’elle est un voisin immédiat de la Centrafrique et qu’il y a eu sans doute des éléments du régime « boziziste » qui ont résidé à Kinshasa à un moment, ou qui sont toujours à Kinshasa. On peut dire que, sans être un élément fondamental, c’est un élément du puzzle régional.

Que pourrait demander François Hollande à son homologue ? Que le Congo, par exemple, renforce encore sa présence sur le terrain ?

Non, mais il est probable que Paris demande en effet que la RDC envoie plus de troupes en Centrafrique et il va bientôt y avoir une Mission de maintien de la paix de l’ONU qui doit porter les effectifs de 6 000 à 12 000. Donc il faut trouver 6 000 hommes supplémentaires, ce qui est considérable et ça va probablement être une des demandes de Paris à l’égard du régime congolais. Ce qui est paradoxale quand on connaît l’état de l’armée congolaise.

Et du côté de Joseph Kabila, quels sont les intérêts pour lui de se positionner comme un acteur dans cette crise centrafricaine ?

Il y a eu déjà une première préoccupation de Kinshasa lorsque le Rwanda a fait partie de la Mission de maintien de la paix et donc a déployé des troupes en Centrafrique. Ça a été et c’est sans doute une des principales motivations de Kinshasa pour participer à la Mission de maintien de la paix, c’est de surveiller en quelque sorte le contingent rwandais qui est déployé à Bangui en ce moment. Donc il y a là un jeu régional qui est assez subtil dans lequel la Centrafrique n’est pas l’élément majeur mais plutôt la rivalité entre le Rwanda et la RDC.

Il y a une peur de la contagion du conflit ?

Oui, enfin le nombre de réfugiés qui sont passés de Centrafrique en RDC est assez modeste par rapport à ceux qui ont été au Cameroun et au Tchad, et on ne peut pas dire que le nord de la RDC soit très impacté par la crise centrafricaine. Les impacts les plus forts sont quand même ressentis surtout à la frontière camerounaise et aussi au sud du Tchad.

Est-ce qu’il y a aussi de la part de Joseph Kabila un positionnement plus diplomatique vis-à-vis des grands leaders africains ?

Ça serait un grand changement parce que le président congolais est connu pour être assez peu actif en politique étrangère. Donc ça serait là une nouveauté et un virage considérable. On va voir si cela se confirme, mais le président Kabila n’a encore jamais démontré un grand intérêt pour la politique étrangère.

Revenons à la France. Il y a le Mali, la RCA, plus récemment le sommet sur la sécurité au Nigeria pour lutter contre Boko Haram. La France de plus en plus présente au cœur des conflits africains. C’est le retour de la Françafrique ?

Je dirais que c’est un virage vers la realpolitik, c’est-à-dire qu’on ne peut pas s’occuper d’Afrique sans s’occuper des conflits en Afrique. Et donc ça conduit à ces interventions françaises et ça conduit évidemment à un activisme diplomatique beaucoup fort. Après, évidemment, il faut s’assurer qu’on ne passe pas du respect des droits de l’homme au respect des contrats et aux questions commerciales qui deviendraient prioritaires. Mais il y a un vrai virage vers la realpolitik.

Une realpolitik qui coûte chère aussi. Est-ce que la France a les moyens à plus long terme de la maintenir ?

En ce qui concerne les interventions militaires, c’est la raison pour laquelle Paris veut voir plus d’Africains impliqués sur le terrain, même si en même temps Paris est consciente que les armées africaines ne sont pas toujours capables de faire le job. Mais évidemment, d’un point de vue purement parisien et des contraintes budgétaires, il est important qu’il y ait des armées africaines qui s’impliquent dans ces conflits pour alléger la tâche de l’armée française.

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