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A la mi-journée, ce mardi 11 mars, un député libyen furieux confirmait la fuite du tanker nord-coréen et ajoutait au passage : « Nous allons prendre une décision dans les deux prochaines heures. » Sans entrer dans le détail, Attaher Al-Makni annonçait en fait le vote de retrait de confiance à l'encontre du Premier ministre Ali Zeidan. Celui-ci a donc perdu son poste, 124 députés sur 190 ayant exigé son départ. Le quorum - fixé à 120 voix - a été dépassé de justesse.
Ainsi, le gouvernement n’a donc rien pu faire face aux milices fédéralistes qui, depuis juillet, bloquent les terminaux pétroliers, et qui sont allées, cette semaine, jusqu'à exporter du pétrole volé au nez et à la barbe des autorités. C'est visiblement son incapacité à protéger la cruciale filière du pétrole qui a, finalement, entraîné la chute de M. Zeidan. « C'est un paresseux », a ainsi affirmé à RFI Attaher Al-Makni, ajoutant que « Zeidan n'a rien fait de bon pour le pays » et qu’il « n'a pas été capable d'arrêter les bandits qui ont volé le pétrole ».
Sécurité
En poste depuis 15 mois, Ali Zeidan avait jusqu'ici résisté aux pressions, aux appels à la démission qui s'étaient multipliés et venaient autant des députés que de la rue. Principal reproche adressé au désormais ancien Premier ministre libyen : son incapacité à assurer la sécurité en Libye, n’avoir notamment aucune autorité sur les différentes katibas.
Les pouvoirs libyens ont en effet assisté, impuissants, à la dégradation sécuritaire dans l’est de la Libye, livrée à des éléments radicaux islamistes. Ils incendient des commissariats, tuent des magistrats et des ressortissants étrangers, font exploser des voitures piégées... Le tout en totale impunité. Quant au sud libyen, il est livré à lui-même, ou plutôt aux tribus qui s’affrontent pour le contrôle de trafics facilités par des frontières non surveillées. Une situation qui fait le bonheur de jihadistes de mieux en mieux implantés.
Pétrole et politique
Sur le plan politique, la Constitution n’est toujours pas rédigée. Le dialogue national se fait attendre, malgré le manque criant d’un projet fédérateur dans une Libye où chefs religieux, locaux, tribaux et révolutionnaires revendiquent chacun une forme de légitimité. Tous ces facteurs ont peut-être aussi contribué au choix des députés ce mardi : retirer leur confiance à un Premier ministre dont l’inaction avait aussi froissé la communauté internationale. Des diplomates occidentaux avaient d'ailleurs critiqué une équipe de transition imprévisible, et sans feuille de route.
En octobre, Ali Zeidan avait même été enlevé à son hôtel par un groupe armé, avant d'être relâché quelques heures plus tard. L’incident s'était déroulé quelques jours après l'arrestation sur le sol libyen d'un chef présumé d'al-Qaïda par un commando américain. Une expédition qui avait déjà contribué à fragiliser le Premier ministre libyen. Il avait ensuite dû affronter une première motion de censure, en janvier, mais le quorum n'avait pas été atteint ce coup-ci, du fait d'un Congrès éclaté entre les membres du Parti pour la justice et la construction (PJC), proche des Frères musulmans, les laïcs de l'Alliance des forces nationales (AFN), et les indépendants.
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En janvier toujours, des ministres du PJC avaient menacé de démissionner, pour tenter de faire tomber M. Zeidan, qui avait tenu bon. Le mois dernier, il avait ensuite échappé à deux tentatives de renversement, l'une, fantaisiste, menée par un général à la retraite ; l'autre, plus sérieuse, par deux puissantes milices de Zintane.
Le Congrès national général (CGN) est extrêmement divisé. Mais il devra désormais nommer un nouveau Premier ministre. Une nomination qui doit intervenir « d'ici 15 jours », affirme un député. En attendant, c'est le ministre de la Défense, Abdallah Al-Tani, qui a été chargé d'assurer l'intérim.