En Libye, le pouvoir central plus fragile que jamais

Il y a trois ans, le 17 février 2011 était appelé « la journée de la colère » en Libye. Elle allait marquer le début de la révolution qui entraînerait la chute de Mouammar Kadhafi. Trois ans après, le pays est secoué par les violences et l'instabilité politique. Dernier exemple en date, une simple vidéo postée sur YouTube par un commandant rebelle à la retraite appelant à la dissolution des institutions de transition, a suffi à déclencher une rumeur de coup d'Etat.

Si cette rumeur a pu prendre si facilement, c'est sans doute parce qu'en Libye, le pouvoir central est plus fragile que jamais. En octobre, le Premier ministre était kidnappé pendant quelques heures par une milice d'anciens rebelles. En avril dernier, pendant des semaines, les ministères de l'Intérieur et des Affaires étrangères étaient tout simplement assiégés par des milices qui exigeaient l'exclusion de tous les anciens kadhafistes de l'administration.

Pendant ce temps, les résultats du Congrès général national sont très minces. Après un an et demi de travaux, le mandat de ce Parlement de transition devait prendre fin le 7 février dernier. Mais les parlementaires ont décidé de le prolonger jusqu'en décembre 2014, provoquant des manifestations ces derniers jours. Othman Bensassi, ancien membre du CNT en tant que représentant de la ville de Zouara : « Le Congrès a été élu pour écrire, la Constitution, la faire adopter par référundum et préparer des élections législatives et présidentielles. Malheureusement, le Congrès n'a pas fait tout ça. En même temps, son deuxième rôle était de former un gouvernement transitoire. Malheureusement, il a formé un gouvernement qui n'était pas crédible. Donc il n'a réussi aucune de ses deux missions. Pendant un an et demi, pas de résultat, pas de stabilité politique, pas de projet. C'est impossible pour le peuple libyen d'accepter l'échec sur un an et demi. Je pense que ce sera très difficile pour eux de continuer comme ça un an de plus ».

Un cycle de la violence non interrompu

Face au mécontement de la rue, le Congrès a finalement fait marche arrière, acceptant le principe d'élections anticipées. Car ces institutions de transition ont été incapable de mettre fin aux violences dans le pays depuis l'attaque du consulat de Benghazi en septembre 2012 avec la mort de l'ambassadeur americain Chris Steven mais aussi l'attentat du 23 avril 2013 contre l'ambassade de France à Tripoli. A Benghazi, les assassinats ciblés sont réguliers. Aucun n'a jamais été revendiqué mais beaucoup évoquent la piste jihadiste. Des groupes comme Ansar al-Charia sont très présents à Benghazi mais aussi à Derna et à Syrte. Plus au sud, la présence de jihadistes chassés du Mali a laissé planer un temps le bruit d'une intervention étrangère, finalement démentie par le ministre français des Affaires étrangères.

Le chaos du sud libyen

Dans le sud, l'insécurité vient surtout des affrontements tribaux notamment dans la ville de Sebha avec près de deux cent morts en janvier. Des affrontements armés en pleine ville entre toubou et tribus arabes, notament les Ouled Slimane. C'est une guerre locale pour des modifications ethniques mais aussi politiques et économiques. La région est riche en eau, en gaz et en pétrole. C'est également le lieu de tous les trafics aux portes du désert : « Dans les rues, des canons tirent des missiles qui tombent partout sur les civils, sur les maisons. Beaucoup de gens sont morts et ont été blessés. Ca fait un mois et demi que cela dure, beaucoup de maisons ont été brûlées. Tout le monde a peur, personne n'ose sortir dehors, dans toutes les rues, des armes tirent partout. Des gens sont tués, leurs corps jetés dans la rue. C'est tellement grave ! ».

La Libye plongée dans une profonde crise économique

Et pour finir en Libye, la grande inquiétude est évidement économique. Depuis la mi-2013, l'un des principaux terminal pétrolier est fermé, privant l'Etat de l'essentiel de ses revenus puisqu'en Libye le pétrole représente 70% du PIB. Depuis juillet, ce sont des fédéralistes qui bloquent ce puit. Résultat : le gouvernement a annoncé qu'il n'était plus certain de pouvoir payer les salaires des fonctionnaires en 2014.

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