RFI : Qui a déclenché les hostilités ce jeudi matin à Bangui ?
Nicolas Tiangaye : D’après les informations que j’ai eues, ce sont les anti-balaka (les milices d’autodéfense qui luttent contre les Seleka) qui ont déclenché les hostilités.
Voulez-vous dire que tout cela était préparé, organisé ?
D’après les informations obtenues, c’est bien cela, oui.
Sur place, les autorités accusent des forces pro-Bozizé de vouloir reprendre le pouvoir. Est-ce que vous confirmez ?
C’est fort possible, puisque Bozizé lui-même ne s’en cache pas. Il affiche clairement son intention de reprendre le pouvoir par la force. Donc, c’est une hypothèse qui est très probable.
Et pensez-vous qu’il y a un chef derrière tout ça ?
Une telle attaque ne peut pas se faire de façon désordonnée. Certainement qu’il doit y avoir un chef ou plusieurs chefs.
Et est-ce que ces anti-balaka sont armés, équipés, organisés ?
Je suis mal placé pour répondre, étant donné que je suis à l’extérieur et que j’ai des difficultés à avoir des informations. Mais en tout cas l’ampleur des combats et la durée montrent clairement qu’ils ont quelques moyens pour affronter les ex-Seleka.
Et que dit le président Michel Djotodia ?
Je n’ai pas pu le joindre. J’ai appelé, mais je n’ai pas pu le joindre.
Quelle est la situation à votre domicile en ce moment à Bangui ?
J’ai appris que mon domicile a été attaqué par les éléments de la Seleka. Mais vous savez, ce qui me préoccupe ce n’est pas seulement ma famille. C’est le peuple centrafricain.
Avant l’arrivée des troupes françaises et le gel à venir de la situation militaire, est-ce que chaque camp n’essaie pas de pousser à son avantage ?
C’est fort possible. Mais je ne sais pas à quoi ça peut servir, parce que dès l’instant où les forces de la Misca, appuyées par la France, vont recevoir un mandat des Nations unies pour intervenir, je pense qu’une telle démarche sera vouée à l’échec.
Autre option : les Seleka craignent de perdre le pouvoir, après l’arrivée des Français. Est-ce qu’ils ne pourraient pas jouer la politique du pire, pour justifier demain le maintien d’une force Seleka dans la capitale, est-ce qu’ils ne pourraient pas être derrière une manipulation ?
Il est trop tôt pour tirer des conclusions hâtives. Attendons de voir ce qui s’est passé réellement pour connaître les tenants et les aboutissants.
Ce que vous voulez dire, c’est que c’est une vraie offensive sur Bangui ?
Certaines personnes que j’ai eues au téléphone m’ont dit qu’il y a eu des anti-balaka qui ont été aperçus dans la ville de Bangui. Ils sont arrivés par sortie nord par le quartier PK12.
Est-ce que les Seleka ne peuvent pas tirer argument des combats de ce jeudi dans Bangui, pour demander demain aux Français de les laisser contrôler la capitale Bangui ?
Vous savez, nous sommes dans un contexte où la communauté internationale, par le biais des Nations unies, décide d’instaurer la paix. Donc s’il y a une résolution du Conseil de sécurité qui est votée sous le chapitre 7 de la charte des Nations unies, elle doit s’appliquer.
Ce qui veut dire qu’après le vote de cette résolution Bangui sera sous le contrôle de quelle force ?
Bangui doit être sécurisée, donc c’est clair.
Est-ce que le texte qui doit être voté ce jeudi soir à New York vous donne entière satisfaction ?
Si la force doit être utilisée pour neutraliser ceux qui utilisent les armes contre les populations civiles, cela est tout à fait normal. C’est depuis le 15 mai 2013 que j’ai demandé au Conseil de sécurité un mandat pour que l’on use de la coercition pour assurer la protection des populations civiles.
A priori, 3 600 hommes de la Misca et 1 000 soldats français sont attendus. Est-ce que ces forces seront suffisantes ?
J’ai toujours dit que ce serait insuffisant, compte tenu d’une part de l’ampleur de la crise, et d’autre part de l’étendue du territoire national. Ça fait quand même 623 000 kilomètres carrés. Il n’y a pas que Bangui. C’est tout le pays qui est concerné par l’insécurité.