Avec notre envoyée spéciale,
Un ancien membre de l'Alliance pour un Congo libre et souverain (APCLS) rempli un jerrican d’eau. Deux autres jouent aux dames. Des capsules de bouteilles servent de pions. Voilà deux semaines que les premiers combattants sont arrivés à Bweramana, sur les bords du lac Kivu, dans l’espoir d’être intégrés à l’armée congolaise.
Le colonel Jean, 28 ans, membre de la milice FDIPC à Rutshuru, s’est rendu avec 127 hommes. « Nous ne savons pas le jour où nous serons intégrés, explique-t-il. Mais nous avons l'espoir que notre cher pays ne nous déçoive pas. Il doit toujours nous accueillir et nous intégrer.»
Ils sont un peu plus de 1 000 à attendre. Une dizaine de groupes armés : Maï-Maï Nyatura, APCLS… Des milices d’auto-défense qui se sont pour la plupart battues ponctuellement contre le M23.
Inquiétude de la population
Des tentes faites de baches et des abris de branchages et de feuilles ont été installés à la hâte au milieu du village et sur deux collines. Les miliciens disent recevoir un entraînement théorique et physique tous les matins, mais les journées sont longues et le désœuvrement de ces ex-combattants est palpable. Officiellement, la sécurité est assurée par l’armée congolaise.
Mais les villageois comme Espérance : «J'ai peur car il y a beaucoup de militaires ici. Nous sommes coincés. Nous sommes très nombreux, concentrés dans un même endroit. Le peu de choses que nous avons dans nos champs, nos haricots, nos bananes, sont pris par ces gens ». Fura, une autre habitante de Bweramana renchérit : « J’étais dans mon champ aujourd’hui et j’ai aperçu ces jeunes là qui venaient prendre mes récoltes, raconte-t-elle visiblement remontée. J’ai fuit parce-que j’ai eu peur d’être attaquée ou violée ».
Ces vols de légumes, les ex-miliciens les nient. Tous confirment par contre ne manger qu’une seule fois par jour. Une ration attribuée par l’armée à chaque combattant toutes les 24 heures, insuffisante pour eux et leurs familles. « Manger qu’une fois par jour ce n’est pas facile, surtout nos familles n’ont rien à se mettre sous la dent, confirme colonel Joseph, un ex-membre des APCLS. Les conditions ne sont pas faciles, mais quel est notre choix ? Il faut patienter, il n’y a pas de salut sans sacrifice », conclut le jeune homme.
Selon l’ONU, aucun calendrier d’intégration n’a été soumis par Kinshasa. Un flou qui inquiète car si l’attente dure trop longtemps, elle pourrait devenir explosive.