La prise de Bunagana par l’armée congolaise est une victoire importante, voire décisive car Bunagana était à la fois la capitale politique et le poumon économique de la zone, contrôlée par la rébellion, depuis l'an dernier.
C'est aussi un poste frontière avec l'Ouganda, ce qui évidemment faisait des rentrées d'argent pour le M23, de même que la route jusqu'à Kibumba (localité qui a été prise dès la semaine dernière par l'armée congolaise).
Donc de fait, le M23 a perdu la quasi-totalité du territoire qu'il contrôlait encore il y a quelques jours. Selon nos informations, il resterait plusieurs collines encore tenues par les rebelles les plus aguerris : Chanzu, Runyonyi et Mbuzi.
Les FARDC promettent une offensive imminente sur ces dernières positions. Mais c'est un terrain que le M23 et ceux qui poursuivent le combat - côté rebelle - connaissent bien. La bataille est encore loin d'être finie.
Que reste-t-il de la rébellion ?
On parle de défection massive des rebelles du M23 mais il est très difficile de dire ce qu’il reste de la rébellion. Il est vrai que l'armée congolaise et la Mission des Nations unies pour la stabilisation de la RDC (Monusco) ont annoncé la reddition de combattants du M23. D'après nos informations, d'autres auraient fui en passant la frontière avec l'Ouganda. Il y a aussi des prisonniers.
Cependant, l'essentiel de la hiérarchie militaire du M23 - le chef militaire Sultani Makenga ; Innocent Kaina -dit India Queen - qui est aussi l'un de ses lieutenants les plus aguerris, tiendraient toujours les positions sur les collines autour de Bunagana. Et cela, même si plusieurs sources du côté du gouvernement congolais affirment que Sultani Makenga aurait fui au Rwanda.
En effet, on a vu, par le passé, les cas d'anciens chefs de la rébellion qui avaient trouvé refuge comme ce fut le cas de Laurent Nkunda, Jules Mutebutsi et même Bosco Ntaganda, très récemment. C'était ce chef rebelle qui s'est rendu, via l'ambassade des Etats-Unis à Kigali, à la Cour pénale internationale
Il se trouve que le M23 ne tenait – et ne tient - que par ces commandants-là, à savoir le noyau dur d'une vingtaine de commandants et leurs escortes. En effet, l'essentiel des hommes de rangs avaient été recrutés très récemment : des Congolais ou des Rwandais qui disent - lorsqu'ils se rendent - qu'ils ont été recrutés de force ou bien qu'ils n'avaient pas de travail et ont tenté leur chance.
Les négociations de Kampala ont-elles encore un sens ?
Les leaders politiques du M23 sont, quant à eux, à Kampala - la capitale ougandaise - où depuis décembre dernier, le gouvernement congolais et les rebelles négocient un accord de paix, en vain. Et ces responsables politiques disent y être pour poursuivre les pourparlers. Ces négociations ont-elles encore un sens ? En tout cas, la communauté internationale y tient beaucoup.
Il y a une dizaine de jours, les représentants spéciaux de l'ONU, des Etats-Unis, de l'Union Européenne, de l'Union africaine et le chef de la Monusco s'étaient rendus à Kampala pour tenter d'arracher un accord. Cela avait échoué, toujours sur le même point, à savoir la question de l'amnistie des commandants du M23 dont certains sont sous sanctions de l'ONU, des Etats-Unis ou encore soupçonnés de crimes de guerre.
Le gouvernement congolais ne voulait pas céder. En tout cas, pas pour la vingtaine de commandants - dont Sultani Makenga - qui représentent le noyau dur de la branche armée du M23. Par ailleurs, pour les rebelles, il était évidemment difficile de signer un accord qui permettait à ses principaux leaders d'être arrêtés ou poursuivis. Mais ce qui est sûr c’est que s'ils sont défaits militairement, cela devrait permettre la signature rapide d'un accord avec la branche politique du M23 car, en effet, sur les autres points, gouvernement et rebelles étaient globalement d'accord.
Le Rwanda aurait-il lâché la rébellion ?
La communauté internationale accusait Kigali d'avoir soutenu le M23. De nombreux rapports de l'ONU et de HRW - l'organisation de défense des droits de l'homme - dont le dernier date de juillet, pointaient du doigt un soutien de Kigali à la rébellion. Le Rwanda a toujours démenti catégoriquement ces accusations.
Est-ce que les défaites de ces derniers jours signifient que le Rwanda aurait lâché la rébellion ? Ce que nous pouvons dire, c'est que Kigali était soumis à beaucoup de pression de la communauté internationale. Plusieurs pays, dont les Etats-Unis, avaient d’ailleurs coupé leur aide au Rwanda.