Paul-Simon Handy: «Si seulement la France et l’Afrique du Sud pouvaient s’entendre»

La président François Hollande est ce lundi 14 octobre 2013 en Afrique du Sud. Au menu des discussions entre le chef de l’Etat français et son homologue Jacob Zuma : les questions économiques, dans le secteur du nucléaire notamment, et les crises que traversent plusieurs pays africains. La France et l'Afrique du Sud se sont opposés sur les conflits ivoirien et libyen en dépit d’un « partenariat stratégique » signé en 2008. Où en sont aujourd'hui les relations diplomatiques et économiques entre ces deux pays très influents sur le continent ? Eléments de réponse avec Paul-Simon Handy, directeur de recherches à l’Institut d’études de sécurité de Pretoria, interrogé par Anthony Lattier.

RFI : Que vient chercher François Hollande en Afrique du Sud ?

Paul-Simon Handy : Pour un président français, il y a énormément de choses à venir chercher en Afrique du Sud. L’Afrique du Sud est le premier partenaire commercial de la France. Au sud du Sahara, c’est une évolution de ces dernières années, les priorités économiques françaises se sont plutôt réorientées vers de grands pays anglophones et non plus les pays francophones. La deuxième raison est que la France et l’Afrique du Sud, qu’on peut considérer finalement comme deux grandes puissances africaines, ont souvent été à couteaux tirés sur les questions de paix et sécurité en Afrique.

On se rappelle du grand déchirement, lors de l’intervention de l’Otan en Libye, et plus encore lors de la débâcle sud-africaine en République centrafricaine, où il y a eu un grand malentendu. Donc, sur les questions de paix et de sécurité, ce sera peut-être l’occasion pour le président François Hollande d’harmoniser ses positions avec le président sud-africain, en vue du sommet France-Afrique qui va se tenir en décembre à Paris.

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Concernant la Centrafrique, l’engagement des soldats sud-africains aux côtés de François Bozizé avait fait polémique en mars dernier. Aujourd’hui, c’est plutôt la France qui est à l’initiative dans ce dossier. Alors, les deux pays se disputent-ils une forme de leadership sur le continent ?

Il est clair que les deux pays se disputent sur des questions clés, sur le leadership, mais très certainement aussi sur des questions de paix et de sécurité. L’Afrique du Sud a souvent estimé que la France avait une approche néocoloniale en matière de résolution des conflits, que la France était trop influente. Et la France, de son côté, a du mal à comprendre qu'un pays longtemps resté insulaire ait tendance à vouloir s’affirmer, à affirmer un leadership africain sur le continent. La diplomatie française a souvent du mal à s’adapter. Si seulement la France et l’Afrique du Sud pouvaient s’entendre sur un minimum de choses, ces deux grandes puissances pourraient en fait coopérer en mieux, faire beaucoup plus pour le continent africain.

Ça veut dire que l’influence de la France en Afrique passe obligatoirement désormais par l’entretien de bonnes relations avec l’Afrique du Sud ?

C’est certainement l’une des évolutions de ces dernières décennies. L’Afrique du Sud est devenue un pays incontournable en Afrique. Et il sera impossible désormais, pour qui veut compter en Afrique, comme la France, les Etats-Unis ou même la Chine, de ne pas prendre en compte les vues, l’opinion de Pretoria. Parce que l’Afrique du Sud a une influence sur le continent et sur l’Union africaine, une capacité à mobiliser d’autres pays, que très peu d’autres pays ont.

Où en sont les relations économiques aujourd’hui entre les deux pays ?

Elles sont très bonnes. Il faut dire que les plus grands partenaires de la France en matière de commerce ne sont pas des pays francophones. C’est l’Afrique du Sud, le Nigeria et le Kenya. C’est un vrai revirement. Si la France gagne l’appel d’offre que l’Afrique du Sud va bientôt lancer en matière nucléaire, ce sera un véritable coup de pouce aux relations commerciales entre les deux pays.

L’Allemagne est le deuxième fournisseur de l’Afrique du Sud. La France, elle, se place plutôt autour de la 10e place. Comment expliquer cet écart ?

L’écart tient au fait que la France a commencé relativement tard à s’engager en Afrique du Sud. Les pays comme l’Allemagne, comme la Grande-Bretagne pour des raisons historiques, mais aussi les Etats-Unis et un ensemble de pays émergents, sont en Afrique du Sud depuis bien plus longtemps. Les priorités de la France se trouvaient ailleurs qu’en Afrique du Sud, et même en général qu’en Afrique australe. Ça a changé depuis une bonne quinzaine d’années. Donc, la France vient un peu sur le tard sur le marché sud-africain, qui peut représenter une véritable mine d’or.

La dernière visite d’un président français, c’était en 2008 avec Nicolas Sarkozy. La France et L’Afrique du Sud avaient alors lancé un partenariat stratégique. Est-ce que ce partenariat a porté ses fruits ?

Le partenariat n’a pas toujours fonctionné, comme on a pu le voir avec la Libye et la République centrafricaine. Donc, il faudrait redéfinir cette relation stratégique. L’ANC est beaucoup plus ouverte à un partenariat stratégique avec le président Hollande qu’elle n’aurait pu l’être avec le président Sarkozy. Le président Hollande est un socialiste, l’ANC est un parti qui se veut socialiste et social-démocrate aussi. Donc, il y a une vraie attente de la part de l’Afrique du Sud, pour voir comment ce partenariat stratégique peut être relancé et redéfini.

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