RFI : Dès votre prise de fonction, vous avez listé toute une série de problèmes économiques et sociaux à résoudre. Comment comptez-vous accélérer la cadence, comme vous l’aviez annoncé ?
Aminata Touré : Il s’agira de replacer un peu les préoccupations des Sénégalais au centre de ce que nous comptons faire. Lorsque nous sommes arrivés, il y avait urgence à rétablir les comptes nationaux avec un déficit de 7%. Il fallait ramener ce déficit à un niveau acceptable. Nous sommes sur la bonne voie. Maintenant c’est le moment de faire sentir, justement, notre travail jusque dans les ménages des Sénégalais.
Quand vous parlez des ménages sénégalais, il y a la lancinante question du prix des denrées de première nécessité qui ne baissent toujours pas ?
Vous savez, c’est une tendance mondiale. Je pense qu’il faudra qu’on comprenne que lorsque – et c’est le cas au Sénégal – la plupart de ce qu’on mange nous vient de l’étranger, le contrôle des prix est toujours aléatoire.
Dakar a été touché par une pénurie d’eau pendant plus de deux semaines. Que comptez-vous faire pour que ce genre d’incidents ne se reproduise plus ?
Dakar a été privé d’eau à 40%. 60% des Dakarois avaient quand même de l’eau. C’était dû à un accident sur le site de production de Keur Momar Sarr, où une des pièces centrales des canalisations s’est cassée. Une seule conduite qui approvisionne Dakar en eau sur un trajet de 300 kilomètres, c’est un point de vulnérabilité que nous comptons corriger très rapidement.
La première mesure, ça a été la création de dix forages qui vont démarrer incessamment. Nous allons également, évidemment, sécuriser le site de production, avoir un meilleur stockage des pièces essentielles. Ça, ce sont des questions de gestion, ce sont des défaillances claires. Il faut le reconnaître et le corriger. Et évidemment, sur une question d’un peu plus long terme, mettre en place une société de désalinisation de l’eau de mer.
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Macky Sall avait annoncé un audit. Comment et qui va mener cet audit ?
Il y a plusieurs audits en cours. Les différents acteurs vont se mettre ensemble ; la société des eaux, la Sones, la société nationale qui est propriétaire des équipements... Il y a également une équipe de la Banque mondiale qui s’est volontairement et gracieusement proposée. Donc nous aurons plusieurs points de vue pour pouvoir croiser ces informations et sur cette base-là, justement, établir cet audit. Mais surtout, surtout, prendre les mesures adéquates.
Parlons politique. Qu’en est-il de la promesse de campagne de Macky Sall, qui avait annoncé une réduction de la durée du mandat du président qui devrait passer de sept ans à cinq ans. Est-ce que ce projet est toujours d’actualité ?
La promesse tient toujours. Il faudra trouver le mécanisme par lequel cela va se faire. La discussion, c’est : est-ce qu’il faudra un référendum ou est-ce qu’il faudra passer à l’Assemblée nationale ? Parce que toutes les modifications relatives à cela ont été faites à travers l’Assemblée nationale, même si, si l’on veut rester strictement orthodoxe, il s’agit d’un référendum. Un référendum coûte cher. Donc, c’est plus une question de mécanisme par lequel on va passer de sept ans à cinq ans, que la remise en question de la décision elle-même.
Comment cela va-t-il se passer pour les élections locales prévues début 2014 ? Le gouvernement a entamé une réforme de la décentralisation, mais elle prend du retard. Est-ce que cela aura un impact sur la tenue des élections locales ?
Nous envisageons un léger retard, pas plus de trois mois. C’est pour permettre justement la mise en place de ce qu’on appelle l’acte 3 de la décentralisation. Parce qu’il y a eu plusieurs actes. Donc le premier acte, c’est lorsque les communautés rurales ont été créées, on n’avait que des villages. Le deuxième acte, c’est lorsque les régions ont été créées. Et le troisième : on va passer à la communalisation universelle. Parce qu’on estime qu’il faut réduire la fracture commune. Communauté rurale, c’est d’ailleurs légèrement péjoratif dans l’entendement.
Mais vous ne craignez pas que ce report suscite des critiques de la part de l’opposition ?
Non, mais trois mois ce n’est pas loin. Soit dit en passant, au Sénégal, les élections locales ne se sont jamais tenues à la date fixée. Les reports ici au Sénégal, c’était un an, deux ans même parfois. C’était fait par l’ancien régime devenu opposition. Donc je crois que de ce point de vue-là, ça ne devrait pas poser de problème. On passerait du mois de février au mois de mai ou juin, c’est tout. Et je pense que l’objectif de la réforme vaut bien que l’on pousse de trois mois.
Sur le plan judiciaire, comment expliquez-vous la décision de la cour de répression de l’enrichissement illicite, qui l’été dernier a décidé de lever l’administration provisoire de DP World qui constitue la moitié du patrimoine présumé de Karim Wade ?
Cela fait partie également des dispositions prévues par la loi. Tous les contentieux ne se règlent pas forcément au tribunal. En tout cas pour ce qui concernait cette entreprise et l’Etat du Sénégal. Ça n’a rien à voir avec la procédure qui concerne le monsieur dont il est question. Ce sont deux choses différentes.
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La presse locale parle de plus en plus du recours à la médiation pénale comme une alternative à ce type de procédures. Qui est concerné et pourquoi ?
Pour ce qui concerne la médiation pénale, c’est également prévu par la loi. Elle se passe devant le procureur avant que le dossier, lui, ne parte en instruction. Le plus important c’est qu’on ait un respect des droits de la défense, qu’il y ait des procédures équitables et transparentes et que le droit soit dit.