Les chariots sont remplis. Paquets de tranches de mie de pain, bouteilles d’eau en plastique et autres sodas sont apportés près de l’étal. La file d’attente pour le repas de la mi-journée est plutôt insolite : soldats des forces spéciales, paramilitaires, policiers, volontaires de la Croix-Rouge et journalistes.
Depuis dimanche, le centre Oshwal, de la communauté jaïniste, situé à 500 mètres du mall de Westgate, concentre un mouvement de solidarité impressionnant. Les sourires des volontaires ont créé comme une bulle de générosité juste à côté d’un massacre sanglant.
Bhupendra Shah, un membre très actif de la communauté, montre l'étal : « Tout ça, ce sont des donations. Fruits, légumes... Il y avait des pommes ici. Ah, les pommes sont terminées ! Vous savez, ici, nous avons 6 000 membres environ ; ça vient de nos membres, d’organismes affiliées, principalement hindous. »
Ils étaient prêts à prodiguer des soins
Le jaïnisme est une religion qui repose sur un principe suprême : la non-violence, comme l'explique Bhupendra : « Dans la religion hindoue, on ne peut pas faire mal. Même à un insecte. On le laissera voler. Notre religion consiste à donner. Toujours donner et ne jamais tuer. »
Dans le sous-sol, une unité médicale a été brièvement installée pour les soldats kényans blessés, mais a ensuite été redéployée sur une base militaire. Des premiers soins avaient été préparés dimanche pour les éventuels survivants. Puis on les a remballés. Car des survivants, on en attendait plus…
« Nous sommes là pour eux »
Pendant la prise d’otages interminable, des psychologues se sont aussi mobilisés pour aider les personnes traumatisées. Ils vont dans les hôpitaux, rencontrent les victimes et tentent de les aider à dépasser ce drame. Lorsqu’ils prient tous ensemble, ils sont assis en cercle, baissent la tête et ferment les yeux.
Au préalable, on apprend aux personnes qui reviennent du mall à inspirer et expirer profondément, à détacher leur esprit de mauvaises pensées. Ainsi, depuis samedi, une petite quarantaine de personnes écoute les récits de personnes libérées de l’enfer. Ils sont déployés principalement dans les hôpitaux.
Oscar Githua est psychologue. Il relate : « Nous sommes là pour eux, nous tentons de les réconforter, nous leur disons que nous sommes là pour eux. »
« Il faut s'assurer qu’ils sont okay »
Les personnes qui ont pu s’échapper ou qui ont été sauvées ne sont pas les seules à avoir besoin de soutien. Policiers, militaires et forces spéciales peuvent aussi consulter.
« Les militaires sont comme nous, ce sont des êtres humains, explique le psychologue. Dans les équipes qui sont intervenues en premier, les hommes n’étaient pas entraînés pour ce genre de choses, faire face à des situations aussi extrêmes. Eh oui, ce sont des forces de sécurité, mais nous devons aussi nous assurer qu’ils sont okay. »
Après la prière, tout le monde relève la tête, ouvre les yeux. Un nouveau groupe va être déployé pour écouter des récits poignants et tenter d’extirper doucement le traumatisme des esprits.
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