Cent soixante-seize voix contre, pour le cas Saleh Kebzabo, 173 dans celui de Lama Tchindébé, sur 180 votants. La réponse des députés tchadiens a donc été sans ambiguïté. Un rejet franc et massif, pour un Parlement pourtant très largement dominé par le parti au pouvoir.
Comment expliquer un tel camouflet pour le parquet et le gouvernement qui avait transmis ces demandes ? Par un réflexe corporatiste, sans doute, explique un député de l'opposition à l'issue du vote. « Ce n'est pas la première fois cette année que le gouvernement cherche à lever l'immunité de certains de nos collègues sous des prétextes fallacieux et chacun doit se dire "à qui le tour ?" », précise-t-il.
Pas de consigne de vote
Du côté du Mouvement patriotique du salut (MPS), on affirme qu'il n'y a pas eu de consigne de vote de la direction du parti au pouvoir. « On s'est senti libre de voter en notre âme et conscience et ces deux demandes étaient injustifiées », explique l'un de ses membres. Pour le président de l'Assemblée, lui aussi issu des rangs du MPS, Haroun Kabadi, les députés ont clairement signifié que les deux dossiers n'étaient pas suffisamment étayés pour les convaincre.
Saleh Kebzabo, pour sa part, n'a pas caché son soulagement. « L’Assemblée nationale vient vraiment de donner une réponse cinglante à ceux qui ont voulu instrumentaliser, et l’Etat et l’Assemblée nationale, à des fins personnelles, puisque c’est de cela qu’il s’agit », a-t-il réagi. Et de se fendre d'un conseil : « S’il y a des dossiers de ce genre qui doivent à l’avenir venir à l’Assemblée nationale, qu’ils soient ficelés d’une façon beaucoup plus sérieuse pour qu’ils puissent emporter son adhésion. Parce que là, tout le monde a vu que le fil était trop gros et ça n’a pas passé. 176 sur 180, ça veut dire que l’Assemblée nationale aujourd’hui a lancé un signal très fort. J’espère qu’on en tiendra compte dans l’avenir. »
Ce n'est pas le premier bras de fer entre le Parlement et l'exécutif. Au printemps dernier, plusieurs députés avaient été arrêtés sans que leur immunité n'ait été levée, ce qui avait déjà provoqué une levée de boucliers. L'un d'eux, l'opposant Saleh Makki, est toujours en prison.