«Arles in Black», le courage du noir et blanc aux Rencontres photographiques

La 44e édition des Rencontres internationales de la Photographie d’Arles présentent à partir de ce 1er juillet une cinquantaine d'expositions, des stages et des rencontres prestigieux. Cette année, le rendez-vous incontournable du monde de la photo a pour thème le noir et le blanc. Arles in Black, des voyages courageux, méditatifs et beaux.

C’est François Hebel, le directeur du Festival, qui est à l’origine de ce choix très audacieux de Arles in Black, de mettre sur le noir et le blanc à l'heure du numérique, des nouvelles technologies et de la couleur. « C’est un genre qui a lentement disparu de la scène sans qu’on s’en rendu compte, déclare François Hebel. Alors qu’il y a des artistes qui continuent à l’utiliser régulièrement, soit en numérique, soit en argentique. J’ai eu envie de faire un voyage de ce côté-là. Ce que j’ai découvert, ce sont des perles absolues : il y a plein d’expositions dans le programme de cette année qui mériteraient à elles seules de détour.

Donc j’ai eu envie, au lieu d’en faire une partie du programme, d’en faire tout le programme dédié au noir et blanc. Nous allons avoir la chance d’avoir la première rétrospective de Sergio Larrain [1931-2012, ndlr], le photographe chilien qui a refusé toute sa vie d’exposer et qu’on montre son travail. Larrain avait arrêté la photographie, il est parti méditer depuis 30 ans. On va voir des personnages, des bars, des ambiances de rues dans Valparaiso, ce sont des enfants, il s’est beaucoup intéressé aux enfants homeless dans les années 1960 au Chili. Ce sont des choses un peu fugitives, subtiles, et c’est surtout une construction photographique. Tout d’un coup, il y a une main qui va sortir, qui va entrer dans l’image et puis il y a une jambe d’un autre côté. Et en fait il y a une ligne de fuite qui est absente de tout message. C’est très joliment construit. »

De Sergio Larrain à Alfredo Jaar

Cette rétrospective de Sergio Larrain a pu se faire grâce à Agnès Sire, la directrice de la Fondation Henri Cartier Bresson qui a entretenu pendant plusieurs années une correspondance assidue avec Sergio Larrain. Elle a réussi a obtenir son accord juste avant sa mort pour réaliser cette rétrospective. Donc c'est une exposition rare qu'on pourra voir à Arles où d'ailleurs le regard chilien est bien représenté cette année puisqu'on pourra voir aussi une exposition d'un autre photographe chilien remarquable: Alfredo Jaar. Né en 1956 au Chili, il a vécu lui aux États-Unis où il s'est réfugié après avoir fui la dictature de Pinochet. Ses photos montrent le rapport de la presse américaine à l'Afrique, le génocide rwandais, mais aussi la traque de ben Laden, des photos exposées pour la première fois en France.

Devant Hiroshi Sugimoto, on ne bouge plus

Le plus grand nom dans le noir et blanc, thème principal des Rencontres de cette année, est probablement Hiroshi Sugimoto, le photographe japonais auquel Arles consacre une exposition qui invite au rêve. « Sugimoto est très méditatif, explique François Hebel, c’est très différent de Larrain. C’est quelqu’un qui s’installe devant un horizon et pose. On a la chance d’avoir sa dernière série en noir et blanc qui n’a été vue qu’à Munich et qui va être vue à Arles. Ce sont des grands tirages de 2m70 de haut où il photographie des horizons avec la lune en pose. Alors la lune se déplace sur l’horizon. Et au lieu de tirer la photographie noir et blanc horizontale, il la tire verticale. Tout d’un coup, cela devient quelque chose très abstrait : la mer, le ciel, la lune… On dirait de Juan Miro en photo. C’est très étonnant. On s’installe devant ces très grands tirages, on ne bouge plus, c’est très méditatif et très beau. »

L’Afrique du Sud, une histoire de territoire

Une autre invitation au voyage dans un autre genre c'est l'exposition consacrée à l'Afrique du Sud dans le cadre de la saison culturelle en France consacrée à ce pays tout le long de l'année. Les Rencontres ont proposé à douze photographes (six de l’Afrique du Sud, cinq de la France, un de la Belgique) de se rendre en Afrique du Sud et de réaliser des reportages autour de la thématique du territoire.

« En Afrique du Sud, on s’est rendu compte que le territoire est une notion permanente, puisqu’on va fêter les cent ans du Land Act qui, en 1913, était la première loi qui a finalement fondé l’apartheid, puisqu’on excluait les Noirs de la propriété de 93 pour cent des terres. Ce Land Act a permis de verrouiller le territoire et les droits des Noirs sud-africains, continue François Hebel. Cent ans après, il était intéressant de voir où était le territoire. Le territoire, ce sont des personnes déplacées, dans certaines zones, il y a eu des conflits, c’est les mines, les townships, les zones de propriétés privées qui sont enfermées dans les barbelés pour être protégées de la violence, c’est les centres des villes. On s’est dit, la notion du territoire en Afrique du Sud révèle l’état de la société sud-africaine au moment où eux-mêmes parlent de leur deuxième transition. Dans le cadre de l’année croisée, on a mené deux voyages avec ces douze photographes qui se sont rencontrés et ont produit un témoignage. »
 

Au-delà d’une cinquantaine d’expositions, Arles propose également un large volet pédagogique qui n'a fait que s'amplifier au fil des ans: la ville est devenue aujourd'hui le lieu incontournable pour tout étudiant en photographie, mais aussi pour les amateurs ou les lycéens. 50 stages sont programmés cette année.
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Les Rencontres photographiques d’Arles, du 1er juillet jusqu'au 22 septembre.

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