Deux des 3 juges ont estimé que les éléments de l’accusation présentés par le procureur de la CPI, Fatou Bensouda, ne permettaient pas de faire en l’état le choix d’un procès de Laurent Gbagbo. Mais cela ne veut pas dire que les preuves produites sont totalement insuffisantes.
Les juges ont donc fait le choix de renvoyer le procureur sur le terrain et de revenir devant la chambre avec des preuves solides. Fatou Bensouda devra présenter également davantage d’informations sur des points précis, par exemple détailler quelle était l'organisation des forces pro-Gbagbo durant le conflit postélectoral, donner plus de précisions sur les confrontations possibles entre les partisans de Gbagbo et des groupes armés opposés.
Preuves supplémentaires
Mais elle devra également étayer l'adoption alléguée d’un plan visant à attaquer la population civile considérée comme « pro-Ouattara », ou encore démontrer de manière irréfutable la responsabilité de l’ex-président ivoirien dans les cas présumés de violences sexuelles.
Le procureur de la CPI devra soumettre à la Chambre les preuves supplémentaires demandées par les juges avant le 24 janvier 2014. La défense aura de son côté jusqu’au 7 février pour attaquer les nouvelles preuves qui auront été produites. Et la Chambre rendra sa décision confirmant ou rejetant les charges vers fin mars-début avril 2014.
Le camp Ouattara étonné
Dans un langage diplomatique, le porte-parole du gouvernement ivoirien, Bruno Koné, nous a confié que le pouvoir actuel respecte la décision des juges de la CPI. Mais il s’est étonné que les magistrats de cette juridiction internationale n’aient pas pris en compte la responsabilité de Laurent Gbagbo dans le déclenchement de la crise postélectorale, dont le bilan est officiellement de 3 000 morts, par son refus de reconnaître sa défaite.
Une allusion aux résultats proclamés par la Commission électorale indépendante (CEI) et confirmés par le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, l’arbitre que toutes les parties à la crise politico-militaire ivoirienne avaient accepté, y compris Laurent Gbagbo, tient à préciser Bruno Koné. Pour lui, si Laurent Gbagbo n’avait pas contesté les résultats, il n’y aurait pas eu 3 000 morts.
Une victoire pour le camp Gbagbo
En revanche les soutiens de Laurent Gbagbo voient dans la demande des juges de la CPI une justification de leurs critiques contre cette procédure.
Pour toute la mouvance fidèle à Laurent Gbagbo, « c’est la preuve que le dossier est vide. » Ainsi, s'expriment presque tous les hommes et les femmes politiques qui ont soutenu Laurent Gbagbo lors de la présidentielle à l’origine du conflit postélectoral. À commencer par les membres du parti du premier ancien chef d’Etat détenu par la CPI, le Front populaire ivoirien (FPI), qui parle de victoire pour Laurent Gbagbo et ses avocats.
Avec toutefois un bémol de taille. Le secrétaire national du FPI chargé de la justice et des libertés, Michel Séri Gouagnon, estime que les juges n’ont pas tiré toutes les conséquences de leur décision en libérant tout simplement Laurent Gbagbo. On se dit confiant au FPI et on se demande si le procureur de la CPI pourra réunir en 6 mois les preuves qu’il n’a pas pu présenter après deux ans d’enquêtes.
Pas d'annulation de la procédure
La décision des juges de La Haye préjuge-t-elle alors du sort de Laurent Gbagbo dans le futur ? Rien n'est moins sûr. Nous en sommes presque à la case départ et on ne peut pas indiquer aujourd’hui de quel côté penchera la balance.
Tout dépendra des nouvelles preuves que produira le procureur de la CPI. Pour le moment, les juges ont juste indiqué que le dossier de l'accusation n'était pas suffisamment étayé pour justifier la tenue d'un procès, mais qu’il n’était pas insuffisant au point d'annuler la procédure en cours.
Les juges ont en revanche décidé de maintenir Laurent Gbagbo en prison, alors que ses partisans s’attendaient à au moins une liberté provisoire.