RFI : La situation des Maliens qui ont dû fuir, c’est l’un des arguments soulevés par ceux qui appellent à un report des élections. Mais le ministre malien de la Communication a assuré cette semaine sur RFI que ce ne serait pas un problème, que c’était prévu. Le HCR a-t-il été contacté par Bamako sur cette question ?
Valentin Tatsoba : Oui, effectivement, les autorités de transition du Mali ont contacté notre représentant à Bamako, lui ont fait part de leur intention d’organiser les élections au niveau des camps des réfugiés du Burkina Faso, du Niger et de la Mauritanie.
En ce qui concerne le HCR, nous allons accompagner le gouvernement, mais nous leur avons dit clairement que, comme ce sont des élections, il doit y avoir des accords bilatéraux entre le gouvernement malien et les trois pays. Dès que ces accords seront ficelés, le HCR sera là pour les accompagner pour les élections.
Mais il doit y avoir aussi un enregistrement au niveau des camps, il faudrait que les réfugiés puissent être informés des tenants et des aboutissants. Dans ce cas de figure, notre implication sera limitée. Nous ne pouvons pas, par exemple, assurer la sécurité. Nous ne savons pas aussi si les élections vont se tenir dans les camps ou à l’extérieur des camps. Ce sera une feuille de route qui sera bien établie entre les pays concernés, et le HCR viendra en appui, dans la limite de nos moyens.
C’est une situation que le HCR a déjà connue ailleurs...
Oui, par exemple, tout récemment (au) Soudan du Sud où le HCR a été un des acteurs au niveau des camps. Nous avons eu par exemple les élections dans notre camp de Kakouma et Adada, au Kenya. Et tout s’est très bien passé.
Pour le Mali, la date du mois de juillet vous paraît-elle tenable, même pour vous, même pour informer, justement, les réfugiés dans les camps ?
C’est une décision qui appartient au Mali. Si le gouvernement malien dit que les élections vont se dérouler le 7 juillet, nous ne pouvons pas commenter la date des élections. Ni les élections présidentielles, ni les élections législatives. Mais tout ce que nous pouvons dire, (c'est que) si les gouvernements nous demandent de les assister dans l’organisation des élections, nous serons à leurs côtés.
Si on revient à la situation de ces réfugiés : leur nombre ne cesse d’augmenter. Encore aujourd’hui, on observe des mouvements de population au Mali.
Oui, au niveau de l’extérieur, au début des frappes françaises, effectivement, nous avons eu pas mal de réfugiés maliens qui sont sortis. Par exemple, on en a eu 21 000 vers la Mauritanie, 20 000 au Burkina et 6 000 au Niger, depuis le début des frappes au mois de janvier. Mais en termes absolus, on dénombre un total de 175 000 réfugiés dans la sous-région. Et au niveau des déplacés internes, nous en sommes à 282 000.
Le HCR a-t-il les moyens de leur venir en aide ?
Les besoins sont énormes et les ressources très limitées. Pour les trois pays principaux, les déplacés, le Mali lui-même, nous avons un budget total (prévisionnel) de 144 millions de dollars américains, et aujourd’hui, nous sommes seulement à 32 % (de financement réel). Donc, vous voyez que nous avons un trou de 68 %. Ça nous donne « du fil à retordre » pour venir en aide à toute cette population qui en a besoin, pour donner de l’eau, de la nourriture, des abris, et apporter la santé et l’éducation.
Comment expliquez-vous ce manque d’argent ?
Le manque d’argent est dû principalement à la crise économique. Mais nous, on ne baisse pas les bras. On est en train de voir avec les donateurs. Comme nous avons les crises en Syrie, au Soudan, en RD Congo, en Somalie, tout cela fait que les donateurs aussi commencent à être fatigués de toutes ces crises, parce que la générosité n’est pas là, dans un marasme économique qui n’est pas très facile. Mais nous allons toujours continuer le plaidoyer, afin que les uns et les autres puissent venir en aide aux nécessiteux.
Vous parliez d’une arrivée constante de réfugiés depuis le début de l’année. Est-ce qu’on assiste aussi à des retours au pays ou dans la région natale des personnes déplacées ?
Pour le moment, on ne peut pas vraiment confirmer ça, puisque ce qui a fait fuir les réfugiés - c'est-à-dire l’insécurité - est toujours là. Les zones comme Gao, Tombouctou et Kidal, ne sont pas tout à fait sécurisées. Nos collègues qui sont sur le terrain avec les réfugiés, au quotidien, ne nous ont pas dit qu’il y avait des abris libres. Nous pensons donc que le moment n’est pas propice pour un retour en toute sécurité et en toute dignité.
Si les réfugiés y retournent, il n’y a pas tellement de nourriture. Ils nous ont aussi parlé du problème de représailles. Mais je pense qu’une fois qu’on peut vraiment sécuriser les différentes régions, les réfugiés vont reprendre le chemin du retour pour aider à reconstruire leur pays.