Vendredi, le ministre français des Affaires étrangères est arrivé dans la capitale camerounaise et s’est aussitôt dirigé vers la résidence de l’ambassade de France, où se trouvent les ex-otages. Laurent Fabius a notamment souligné la discrétion observée par la France dans cette affaire.
« Depuis le début, on a respecté discrétion et efficacité. Cela fait deux mois, jour pour jour, qu’ils ont été enlevés. On pensait à la famille et aux enfants, surtout. Et puis, on a travaillé (à leur libération) », a déclaré le ministre qui a tenu à « remercier beaucoup les autorités du Cameroun, le président Paul Biya et le président du Nigeria, aussi » a précisé Laurent Fabius.
Conditions de détention « très difficiles »
Lors de sa rencontre avec le ministre français, le père de famille Tanguy Moulin-Fournier a fait part à la presse de son émotion et de conditions de détention très difficiles.
« On commence à réaliser que c’est fini et c’est une joie immense. L’émotion est très forte d’être enfin revenus dans le monde, d’être enfin libérés. C’était très dur. C’est la fin de la saison sèche, en ce moment. Il fait une chaleur terrible », a-t-il déclaré avant de poursuivre : « l’eau, c’était un problème. Ça été difficile de tenir mais on vient de s’en sortir », a ajouté l’ex-otage.
Vendredi matin, à sa descente d’avion, à Yaoundé, Tanguy Moulin-Fournier confiait qu’il y a « eu des moments où le moral était très bas. Mais la famille n’a pas été séparée, ce qui était fondamental », précisait-il.
Pour l’instant, nous ne savons pas comment les otages ont été libérés. Eux-mêmes ont refusé d’en parler. Les Etats impliqués – la France, le Nigeria et le Cameroun – n’ont pas été bavards sur le sujet et le président français, François Hollande, a répété lui-même qu’il fallait rester discret dans ce genre d’affaires.
Aucune indication, non plus, de la part du ministre français des Affaires étrangères, qui ne s’est pas étendu sur le contexte de cette libération. Laurent Fabius a simplement remercié la collaboration des présidents nigérian et camerounais, sans donner de détails.
Des « contacts » mais « pas de rançon »
Comme à chaque libération d’otages, des questions se posent : la France a-t-elle payé une rançon ? La secte islamiste Boko Haram qui a revendiqué l’enlèvement de la famille française a-t-elle obtenu gain de cause ? Officiellement, Boko Haram ne demandait pas de rançon ; seulement la libération de certains de ses membres, emprisonnés au Cameroun et au Nigéria.
Le président français, François Hollande - qui a exprimé son « immense soulagement » - a affirmé qu’aucune rançon n’avait été versée, conformément à la doctrine annoncée par Paris, en février dernier.
« Vous connaissez la position de la France. Nous recherchons tous les contacts. Nous utilisons les intermédiaires qui peuvent être les plus utiles mais nous ne cédons pas sur notre principe qui est le non-versement, par la France, de rançons », a déclaré le chef de l’Etat français. Une position – explique l’Elysée – pour ne pas contribuer au financement du terrorisme et pour ne pas encourager les prises d’otages.
Une nouvelle doctrine qui sous-entend une rupture avec les pratiques du passé mais qui n’exclut pas, par exemple, le versement d’argent à d’éventuels intermédiaires impliqués dans les négociations. Ainsi, rien ne dit que le groupe GDF Suez – l’entreprise française qui employait le père de famille, Tanguy Moulin-Fournier – n’a pas versé de l’argent.
Joint par RFI, Roland Jacquard, président de l’Observatoire international du terrorisme, estime que dans cette affaire, la France a largement délégué les négociations et les contacts aux Etats du Cameroun et du Nigeria pour éviter, le plus possible, d’apparaître en première ligne.
« Il y a eu des contacts qui ont été pris, soit par les services de renseignement camerounais soit par des autorités - mêmes religieuses – du Cameroun ou du Nigeria », a affirmé Roland Jacquard avant d’ajouter qu’il y a eu également des contacts, plus discrets, qui avaient été faits par « des organisations britanniques qui sont chargées de récupérer les otages et qui travaillent souvent pour des pays d’Afrique comme le Nigeria ».
Le président de l’Observatoire international du terrorisme n’a pas hésité non plus à mentionner « les services de renseignement français qui, en appui discret, suivaient l’affaire de loin, ce qui avait l’avantage de ne pas mettre la France en avant, durant ces négociations », a-t-il conclu.