Le Front populaire ivoirien affirme compter près de 670 partisans détenus en Côte d'Ivoire

Deux ans après l’arrestation de son leader, Laurent Gbagbo, transféré le 30 novembre 2011 à la Cour pénale internationale, à La Haye, le Front populaire ivoirien, à la manière d’Amnesty International, « fait le point » sur la situation des détenus en Côte d’Ivoire.

Les Ivoiriens ont été abreuvés ces derniers mois de rapports extrêmement critiques sur la situation des droits de l’homme dans leur pays. Après Amnesty International (le 26 février 2013), la Ligue ivoirienne des Droits de l’homme (le 3 avril) et Human Rights Watch (le 4 avril), c’est étonnamment au tour du Front populaire ivoirien (FPI), la formation politique de l’ancien président Laurent Gbagbo, de se muer en ONG, histoire de « faire le point » sur la situation des détenus, deux ans après l’accession au pouvoir d’Alassane Ouattara.

Le fait mérite d’autant plus d’être signalé que rares sont les partis politiques africains à produire des rapports documentés et circonstanciés dépouillés de commentaires tonitruants.

Première surprise : pas de commentaires donc, pas d’envolées lyriques, ni de mise en accusation péremptoire, comme on aurait pu s’attendre de la part d’un parti désormais installé dans l’opposition, après avoir été pendant plus d’une décennie aux affaires. Rien que des chiffres et des tableaux, précis, froids. Du travail d’archiviste. Le document de 72 pages se contente d’aligner des statistiques, des noms de personnes, de lieux, généralement des maisons de détention, les motifs des poursuites, le statut des prisonniers.

Mêmes les rares « observations » consignées dans la dernière colonne des tableaux sont d’une sobriété et d’une modération pour le moins étonnantes venant d’un parti créé dans la clandestinité en 1982 et dirigé, depuis, par un noyau de militants endurcis par des décennies de lutte, notamment contre le « père » de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, Félix Houphouët-Boigny. Le document procède par ailleurs à une classification des détenus par catégories socio-professionnelles : ministres, élus, haut-fonctionnaires, militaires…

668 détenus recensés

Le FPI recense, à la date du 29 mars 2013, quelque 668 détenus civils et militaires incarcérés dans une dizaine de maisons d’arrêt d’Abidjan à Korhogo, en passant par Bouna, Dimbokro, Boundiali, Man, Séguéla, Katiola, Toumodi et Odienné. La Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan, plus connue sous son acronyme Maca, et la Maison d’arrêt militaire d’Abidjan (Mama) en accueilleraient, à elles seules, 514. La plupart d’entre eux sont poursuivis pour « atteinte à la sécurité de l’Etat », « atteinte à la défense nationale », « génocide », « trouble à l’ordre public » en relation avec le second tour du scrutin présidentiel controversé, en novembre 2010.

Le parti de Laurent Gbagbo met un point d’honneur à signaler ceux qui, comme l’ancien ministre Jean-Jacques Bechio ou l’ex-directeur du protocole d’Etat Aboubacar Koné, ont, à titre provisoire, recouvré la liberté. Tout comme les détenus ayant été transférés d’une prison à une autre ou placés effectivement sous mandat de dépôt.

Les figures de l'ancien régime géolocalisées

Au-delà de la sécheresse des chiffres, le document permet de géolocaliser plusieurs figures connues de l’ancien régime. Les anciens ministres Geneviève Bro-Grébé et Abou Drahamane Sangaré, tout comme l’ex-chef de cabinet de Gbagbo, Narcisse Kuo Téa, seraient ainsi incarcérés à Katiola, dans le centre du pays. L’ancien Premier ministre Pascal Affi Nguessan, à Bouna, non loin de la frontière avec le Ghana. Tout comme le fils de l’ancien président, Michel Gbagbo, et l’ex-ministre Moïse Lida Kouassi, extradé en juin 2012 du Togo.

L’ancien gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao), Philippe Henri Dacoury Tabley, serait, lui, à Boundiali, et l’ex-Première dame de la Côte d’Ivoire, Simone Ehivet-Gbagbo, à la Maison d’arrêt et de correction d’Odienné, au nord-ouest. L’ancien « général de la rue », Charles Blé Goudé, serait détenu à la Direction de surveillance du territoire (DST), à Abidjan, après son extradition du Ghana, en janvier 2013.

Le rapport dresse, enfin, la liste des personnalités en exil (ministres, diplomates, députés), notamment au Ghana, au Togo, au Bénin, au Cameroun et en Afrique du Sud, en même temps qu’il fait l’inventaire des « domiciles occupés, pillés ou incendiés » depuis deux ans par les partisans du nouveau pouvoir ivoirien.

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