Fespaco 2013 : «Le monde entier verra un nouveau cinéma africain»

Ce samedi 23 février débute au stade 4-Août de la capitale burkinabè l’un des plus grands rendez-vous culturels de l’Afrique. Jusqu’au 2 mars, un million de spectateurs sont attendus pour la 23e édition du Fespaco, le plus prestigieux festival cinématographique panafricain. Des grands noms du cinéma africain comme Nabil Ayouch, Moussa Touré, Alain Gomis ou Flora Gomes sont en lice pour l’Etalon d’or de Yennenga. Le directeur artistique Ardiouma Soma a sélectionné 101 films de 35 pays qui permettent « un voyage à l’intérieur de l’Afrique et à travers de toutes les contradictions de l’Afrique ». Entretien.

Pourquoi la 23e édition du Fespaco a choisi le Gabon comme invité d’honneur ?

Le Gabon vient de célébrer en 2012 ses 50 ans de cinéma. Dès le début des cinémas africains, dès les années 1960, les Gabonais tenaient déjà la caméra et réalisaient des films. C’est un pays qui a participé à la naissance et à l’évolution du cinéma africain. Les premières éditions du Fespaco ont connu une forte participation du cinéma gabonais qui a remporté beaucoup de prix. A un moment donné, comme dans les plupart des pays africains, il y a eu une baisse au niveau de la production. Mais, en même temps, on se rend compte qu’il y a un regain d’activité cinématographique au Gabon, un nouveau dynamisme qui est en train de souffler sur ce cinéma. Les cinéastes africains ont commencé à s’intéresser au numérique et on se rend compte qu’il y a beaucoup de jeunes dans nos différents pays africains qui s’intéressent à la chose cinématographique, grâce à l’avènement du numérique. Ils arrivent à traiter des petits sujets, à les mettre en images. Cela permet aujourd’hui l’existence du cinéma dans nos pays africains. Beaucoup de salles ont été déjà fermées, mais on a encore dans certains pays des salles qui vivent, parce qu’il y a des gens qui font des films.

Au Burkina Faso, il y a encore douze salles de cinéma en activité. Des films burkinabè, dont le long métrage Moi Zaphira d’Apolline Traoré, ont été sélectionnés pour la compétition officielle du 23e Fespaco. Quelle est aujourd’hui la situation cinématographique au Burkina Faso ?

Pour le Fespaco 2013, il y a une douzaine de films burkinabè qui sont dans la sélection de la compétition. Il y a un certain dynamisme du cinéma qui existe. Je suis le directeur de la Cinématographie nationale, donc je me suis amusé à faire le décompte des films qui ont été inscrits pour la sélection : 109 films, tous genres confondus. Cela signifie qu’il y a un dynamisme. Nous sommes en train de donner un coup de pouce à ce dynamisme en organisant l’univers juridique de tout cela. Les textes ont été déjà élaborés, ils vont être adoptés lors d’un séminaire et puis on va les proposer au gouvernement pour la signature des différents décrets et règlements pour ce secteur où existe un véritable foisonnement. De l’extérieur, ce n’est pas connu, parce que ce ne sont pas des films qui voyagent ou qui vont à Cannes. Mais ce sont des films qui permettent de maintenir une activité cinématographique dans le pays. Si on arrive à canaliser toute cette énergie et de leur donner tout l’accompagnement nécessaire, je crois que dans une dizaine d’années ou peut-être un peu moins, le monde entier verra un nouveau cinéma africain qui va envahir les festivals internationaux, les télévisions et certainement les salles de cinéma.

« Cinéma africain et politiques publiques en Afrique » est le thème majeur de cette 23e édition. Depuis longtemps, on a détecté les faiblesses concernant la production, la distribution, la piraterie en Afrique. Qu’est-ce que cette édition peut apporter comme nouvelle solution ?

Ce que nous allons apporter de plus, c’est de mettre ensemble à la fois les décideurs politiques des pays avec les professionnels du cinéma face à face. Ils pourront discuter ensemble. Cela va permettre de donner le maximum d’informations aux autorités politiques sur la question du cinéma. Nous pensons que cela peut conduire à une certaine prise de conscience qui va faciliter la mise en place des politiques du cinéma, la mise en place des financements pour accompagner la production, la mise en place aussi des politiques de construction de salles de cinéma pour recevoir les films etc. Naturellement, les débats ne seront pas épuisés à Ouaga, mais le Fespaco va permettre de poser le problème en présence à la fois des décideurs politiques et des professionnels du cinéma. Des contacts seront noués et les discussions vont se poursuivre.
 

Il y a la guerre au Mali, le pays voisin du Burkina Faso. L’édition de cette année, sera-t-elle dédiée à la lutte contre l’intégrisme religieux ?

Il y a tous les sujets dans les films. Toutes les questions concernant l’Afrique : l’intégrisme religieux, les questions du développement, les questions culturelles… tout se retrouve dans ces films. Ces films vont permettre de soulever des débats qui vont nous aider, petit à petit, à comprendre que nos différentes cultures peuvent nous permettre d’aller vers la paix pour nous occuper des questions essentielles de demain.

Le Fespaco a vu naître des chefs-d’œuvre, mais les dernières années il a, de plus en plus fort, essuyé le feu de la critique. Je cite le réalisateur tchadien Mahamat Saleh Haroun lors de la dernière édition : « Il n’y a pas d’exigence dans la sélection. Découvre-t-on de nouveau ? Non, puisque tout a été déjà découvert dans d’autres festivals. » Cette édition présente Les Chevaux de Dieu et La Pirogue, deux films acclamés au dernier festival de Cannes. Est-ce que cela confirme la critique de Mahamat Saleh Haroun ?

Le Fespaco est le reflet de la cinématographie africaine. Le Fespaco se tient une fois tous les deux ans. Et une fois tous les deux ans, l’ensemble des personnes qui s’intéressent à la question du cinéma africain se retrouvent à Ouaga pour faire le point sur la situation du cinéma africain. Nous présentons une sélection qui montre l’actualité de ce cinéma. Au fil des éditions, selon les éditions, il y a du bon cru, il y a du mauvais cru. C’est cela aussi, le cinéma africain. Cette année, je pense qu’il y a du bon cru pour le Fespaco 2013.

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