RFI: Au Togo, vous dites que « la démocratie est bafouée ». Le mot est fort. Pourquoi bafouée ?
Depuis un mois, il y a des arrestations de personnalités togolaises comme Gérard Adja [vice-président de l'Organisation pour bâtir dans l'union un Togo solidaire (Obuts) ndlr] ou Agbéyomé Kodjo [ancien Premier ministre ndlr] ou encore Suzanne Kafui Nukafu Dogbevi [militante de l'Alliance nationale pour le changement (ANC) ndlr]. Ca nous pose un problème majeur. Nous ne voulons pas nous insérer dans les affaires intérieures togolaises, mais en tant que parti politique, ami du Togo, nous ne souhaitons pas que ce pays se retrouve dans une situation difficile du point de vue démocratique. On ne fait pas un dialoge censé être inclusif en arrêtant ses opposants.
Vous dénoncez «l’arbitraire manifeste» de ces arrestations, mais officiellement les opposants arrêtés sont poursuivis dans l’affaire des marchés qui ont pris feu ces dernières semaines. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Oui. Il me paraît difficile de penser que des opposants politiques ont mis le feu dans deux marchés pour faire valoir leur opposition à la politique gouvernementale.
En fait, vous n’y croyez pas ?
Je demande simplement à être éclairé sur le sujet, mais je suis plutôt sceptique.
Le pouvoir togolais a programmé des législatives ce début d’année. Le parti de l’opposition ANC de Jean-Pierre Fabre refuse d’y aller tant qu’un certain nombre de réformes et notamment sur le découpage électoral n’auront pas été adoptées. Mais si une chambre monocolore arrive à Lomé, est-ce que le pouvoir n’aura pas beau jeu de dire que c’est la faute de l’opposition qui a boycotté ?
C’est l’éternel problème. Il serait bien, et Faure Gnassingbé doit le comprendre, qu’il y ait une évolution sur le plan de l’organisation électorale qui permette une élection sincère et la possibilité de voir toutes les sensibilités togolaises s’exprimer.
Quand le Parti socialiste français dit qu’au Togo, «la démocratie est bafouée», est-ce qu’il dit tout haut ce que François Hollande pense tout bas ?
Non, pas du tout. Nous ne sommes pas comme cela, nous ne sommes pas dans un régime où le parti au pouvoir est à ce point inféodé. Le Parti socialiste dit ce qu’il pense sur le sujet, et le président de la République dira au président Gnassingbé ce qu’il estime juste de lui dire.
Mais est-ce que François Hollande est plutôt de votre avis, ou plutôt contre votre avis ?
François Hollande s’est exprimé assez clairement lors du sommet de Kinshasa soutenant les processus démocratiques. Il peut estimer ici ou là que le Parti socialiste est par trop radical ou partial mais que le mouvement vers lequel il se dirige, c’est-à-dire la démocratisation de l’ensemble des pays d’Afrique est positif.
A la Cour pénale internationale, on attend l’audience de confirmation des charges qui pèsent sur le prisonnier Laurent Gbagbo, l’ex-président de Côte d’Ivoire. Est-ce vous regrettez de l’avoir soutenu et de lui avoir rendu visite en octobre 2010 à Abidjan. C’était en pleine campagne électorale ?
Lorsque je suis venu à Abidjan, j’ai rencontré l’ensemble des personnalités et de leurs représentants qui se présentaient aux élections en Côte d’Ivoire. Donc je continue à penser que, sans réconciliation, il n’y aura pas de Côte d’Ivoire unie et que ceci est nécessaire pour que ce grand pays ait toute la place qu’il revient dans le concert africain.
Et à votre avis, est-ce que le pouvoir actuel du président Alassane Ouattara fait ce qu’il faut pour cette réconciliation ou pas ?
Monsieur Ouattara, comme monsieur Guillaume Soro [président Assemblée nationale ndlr], ont à juste raison décidé de travailler à la réconciliation. Et dans ce cadre-là, je les soutiens.
En échange de sa participation aux prochaines élections locales, le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo demande l’amnistie pour tous les prisonniers du parti. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Il y a des fautes et elles doivent être jugées. On verra après si le temps de l’amnistie sera venu, ce que je souhaite.
Certains disent que cette justice est à sens unique ?
Dans le processus qui a traversé la Côte d’Ivoire, c’est souvent à sens unique. Nous avons-nous connu cela dans d’autres phases historiques en France. Il y a évidemment les vainqueurs, mais l’idée fait son chemin et que le président Ouattara a cela en tête. Il faut penser à une réconciliation.
Au Mali, le président français souhaite que les forces françaises commencent à se désengager au mois de mars. Mais au vu des derniers attentats terroristes à Gao, est-ce que ce sera possible ?
Nous ne sommes plus dans le même dispositif militaire. Nous sommes passés d’une opération terrestre soutenue par un pilonnage de l’aviation, je dirais une espèce de guerre conventionnelle même si elle ne l’était pas trop, à un affrontement asymétrique, c’est-à-dire des tentatives terroristes. Ca ne nécessite pas le même déploiement.
Franchement, est ce que vos amis européens, allemands, anglais et autres, font tout ce qu’il faut pour vous aider au Mali ?
Dans ce domaine, ils ont été à la fois solidaires et prudents. Ils ont sous-estimé vraisemblablement les capacités militaires de la France et surestimé les capacités militaires des jihadistes. En même temps, je n’étais pas de ceux qui réclamaient à toute fin la présence de contingents européens car j’avais peur que ceci tourne à la croisade occidentale contre des musulmans, pour tout dire. J’étais beaucoup plus inquiet et favorable à la présence de troupes africaines car il s’agit d’un pays africain et il n’est pas anormal que des amis dans le cadre de la Cédéao [Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest ndlr] viennent au secours de l’intégrité de ce pays.
Les élections au Mali avant le 31 juillet, vous y croyez vraiment ?
Je suis un petit peu sceptique, mais je fais confiance aux autorités et j’espère qu’elles pourront l’obtenir.