Afrique du Sud: le secteur des mines tient son salon dans un climat morose

C'est un rendez-vous annuel, mais il prend un relief particulier après les grèves sauvages qui ont frappé le secteur des mines ces derniers mois, et notamment les violences survenues en août sur le site de la mine de platine de Marikana. Le Mining Indaba, salon annuel des mines, s'est ouvert en début de semaine au Cap, en Afrique du Sud. Il s’achève le 8 février. 7 500 délégués y participent. Si la ministre des Mines a déclaré, en ouverture, qu'elle travaille à la création d'une industrie minière, le secteur reste très marqué.

De notre correspondante en Afrique du Sud,

Les mines en Afrique du Sud, c’est un symbole. Cela reste aussi l’un des moteurs de l’économie. Riche en diamants, le pays est aussi le premier producteur mondial de platine, le 5e producteur de charbon. Johannesburg, sa capitale financière, a été fondée puis s’est développée grâce à l’or que recèle le sous-sol de la province de Gauteng, le « lieu de l'or » en langue tswana.

Le secteur minier et les activités qui en découlent représentent presque 20% du PIB du pays et font travailler un million de personnes. Mais c’est un secteur en recul. Les ressources minières de l’Afrique du Sud sont souvent difficiles à exploiter : c’est le cas du platine et de l’or.

Les compagnies minières doivent faire face à l’augmentation des prix de l’électricité, de l’eau, des salaires, avec des masses salariales très importantes. Et elles affirment que face à la baisse de la demande mondiale, il leur est difficile, en Afrique du Sud, de conserver leurs marges.

Climat morose

Et puis, il y a bien sûr le spectre de Marikana, qui plane sur le secteur. Le site symbolise la mort de 44 mineurs, dont 34 tués par la police en août dernier, lors d’une grève très dure dans une mine de platine. Le mouvement a ensuite fait tâche d’huile et les troubles sociaux dans les mines ont finalement coûté plus de 10 milliards de rands (environ 912 millions d'euros) à l'industrie minière en 2012.

Bref, le climat est assez morose. Les actionnaires de grands groupes comme Anglo-American ou Anglo-Gold Ashanti font pression pour que les compagnies minières séparent leurs actifs sud-africains du reste de leurs actifs. En raison du climat social en Afrique du Sud, les actions de ces compagnies seraient sous-évaluées en bourse.

Aucune nationalisation à l'horizon

A partir de lundi prochain, le groupe Goldfields a d’ailleurs décidé de coter à part trois mines sud-africaines, trois mines très peu automatisées, qui emploient beaucoup de travailleurs, et qui ont connu des grèves très dures ces derniers mois. Si le reste des actifs de Goldfields connaît une embellie en bourse dans les prochaines semaines, cela voudra dire qu’effectivement, les investisseurs se méfient de l’Afrique du Sud.

Alors, comment s'y prend le gouvernement pour tenter de séduire les investisseurs malgré tout ? Pour lui, c’est toujours un peu le grand écart : rassurer les investisseurs, tout en restant attentif à son opinion publique. La ministre des Mines, Susan Shabangu, a d’abord balayé dès l’ouverture du salon la question de la nationalisation des mines, qui effraie tant les investisseurs.

Climat des affaires

Ce n’est ni dans le programme du gouvernement, ni dans celui de l’ANC, le parti au pouvoir, martèle-t-elle. Elle promet aussi que la révision de la loi sur les ressources naturelles permettra d’aboutir à une législation plus lisible, plus claire. Enfin, elle appelle à des partenariats entre le gouvernement et les compagnies minières.

Autant de gestes en direction des participants de ce Mining Indaba, à savoir le patronat, et les décideurs politiques et économiques. Ici, c’est certain : on parle climat des affaires. Mais à l’agenda officiel par exemple, il n’y a rien sur les relations dans le monde du travail. L’événement lui-même n’est pas fait pour accueillir les représentants des syndicats ou les mineurs.

Marikana : l'enquête continue

Cette année, malgré tout, la société civile a essayé de faire entendre sa voix. Ils étaient une centaine mardi devant le centre de conférence du Cap pour dénoncer l’absence des syndicats, des mineurs eux-mêmes et des communautés qui vivent près des mines. Des communautés qui voudraient bien tirer un bénéfice de la présence des compagnies minières en termes d’emploi et de conditions de vie.

Car le drame de Marikana et les violences récentes n’ont pas seulement été provoqués par la revendication de meilleurs salaires. C’est aussi pour protester contre leurs conditions de vie misérables que les mineurs se sont soulevés.

Pendant ce temps, l'enquête sur Marikana se poursuit. Les auditions continuent. La commission d’enquête, qui est présidée par un juge à la retraite, doit essayer de faire la lumière sur les événements du mois d’août. Mais sans prononcer aucune condamnation.

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