RDC : à la recherche des 1 200 détenus libérés avec la prise de Goma

Que sont devenus les 1 200 prisonniers libérés lors de la prise de Goma ? Le maire estime que les ex-prisonniers sont encore tous dans la ville, alors que des acteurs de la société civile affirment que certains ont été recrutés par les rebelles. Pour rattraper les détenus, les autorités promettent 100 dollars à toute personne facilitant leur arrestation.

La grande évasion. Quand les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) se sont emparés de Goma le 20 novembre, la prison centrale Munzenze s’est totalement vidée. Comment les détenus se sont-ils échappés ? Pour Naasson Kubuya Ndoole, maire de la capitale de la riche province du Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo, le M23 a facilité la fuite en « cassant les portes, en détruisant les murs ». Les rebelles nient farouchement.

La prison comptait « environ 1 200 détenus. Sur les 1 200, il y en avait à peu près 500 qui répondaient de la juridiction militaire. C’est-à-dire qu’ils sont d’anciens militaires, d’anciens miliciens… », explique Madnodje Mounoubai, porte-parole de Mission de l’ONU pour la stabilisation de la RDC (Monusco). Certains ex-prisonniers sont « extrêmement dangereux », avait renchéri fin novembre le général Abdallah Wafi, numéro 1 de la police de la Monusco.

« Une bombe à retardement pour la sécurité »

L’ONG Solidarité pour la promotion sociale et la paix (Soprop) confirme. « Parmi les détenus, il y avait des auteurs de violences sexuelles, des criminels spécialistes du phénomène « ' Katarina ', qui consiste à venir avec une grosse pierre pour forcer des portes. D’autres utilisaient des armes pour voler ou tuer des gens. Ces évadés, c’est une véritable bombe à retardement pour la sécurité », commente Arnold Djuma, coordonateur de Soprop.

La localisation des détenus fait débat. Naasson Kubuya Ndoole assure qu’ils sont tous restés à Goma. D’autres n’en sont pas si sûrs. « En ce moment, ils seraient formés par les rebelles dans le camp militaire de Rumangabo », indique Arnold Djuma. Des détenus sont partis avec la rébellion sur « la colline Mugara, militairement stratégique pour tout assaut sur Goma », souligne pour sa part Omar Kavota, vice-président de la Société civile du Nord.

Prudent, le général Abdallah Wafi, à Goma pour une mission sur les droits de l’Homme, commente qu’« il n’y a pas de certitude » mais que « parmi les militaires et les policiers évadés, il n’est pas exclu que certains aient rejoint les rangs du M23 ». Les rebelles nient en bloc. « Nous avons une armée assez disciplinée qui peut faire le travail que nous devons faire ! On ne va pas recourir à des bandits ! », s’emporte Bertrand Bisimwa, porte-parole.

Le M23 appelle les prisonniers à rentrer

Il en veut pour preuve qu’avant de se retirer samedi de Goma, sur demande des Etats de la région des Grands Lacs, le M23 avait lancé à l’attention des fuyards un appel sur les ondes de la Radio télévision nationale congolaise (RTNC). « Nous les avions appelés pour qu’ils rentrent tous, avant que nous lancions contre eux une opération de bouclage », raconte Bertrand Bisimwa.

« Ce communiqué a été lu à maintes reprises et sur plusieurs jours », précise un journaliste de la RTNC soucieux de garder l’anonymat car les rebelles « semblent aux portes de la ville », alors qu’ils devaient regagner leurs positions initiales à une vingtaine de kilomètres de Goma – des positions adossées au Rwanda et à l’Ouganda, accusés par l’ONU de soutenir les rebelles, ce que réfutent ces pays.

L’appel des rebelles est resté lettre morte. « Malheureusement, aucun détenu n’est rentré », reconnaît Bertrand Bisimwa. Alors même avec le retrait officiel du M23, que des habitants jugent partiel, « il y a toujours des vols à main armée », commente Arnold Djuma. Mais jusque là, poursuit-il, « pas de représailles » d’ex-détenus contre des victimes ou des témoins qui auraient participé à leur incarcération.

Récompense

Les centaines de policiers loyalistes fraîchement redéployés vont peiner à traquer les criminels. « La police ne peut pas quadriller la ville car les véhicules ont été pillés par le M23 », déplore Naasson Kubuya Ndoole. Reste qu’il a demandé au gouvernement central de décaisser « d’urgence 150 000 dollars » pour réhabiliter la prison et y placer les détenus repris. Pour l’heure, « dix » sont tombés dans les mailles de la police.

Une goutte d’eau. Mais il garde espoir : « Chaque policier qui amène un criminel qui était jadis emprisonné a droit à une motivation d’une somme équivalent à 100 dollars américains. Ce même appel a été fait aux civils », qui auront la même récompense. Une façon peut-être aussi de juguler les problèmes causés par la détérioration de la prison et la fuite des magistrats avec l’arrivée du M23.

« On commence à assister à une justice populaire quand les gens arrêtent des criminels réels ou supposés comme tels. On a recensé une dizaine de victimes. Dans un cas, cinq personnes ont été brûlées vives d’un coup », explique le général Abdallah Wafi. Si la prison et le système judiciaire ne sont pas rapidement rétablis, Naasson Kubuya Ndoole craint le pire. « Ce serait une nouvelle forme de guerre dans la ville que nous ne pourrions pas gérer ».

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