Des Africains aux Etats-Unis: les United Sounds of Africa du Nigérian Bunmi Jinadu

Suite de notre série de portraits sur les Africains qui ont choisi de tenter leur chance aux Etats-Unis. Aujourd'hui, le Nigérian Bunmi Jinadu, ancien styliste du who’s who du show business black, dessine le trait d’union entre les musiciens africains et leurs frères américains.

Bunmi Jinadu aime recevoir dans les vastes salles réunions de ses conseillers juridiques au 17e étage d’un gratte-ciel du quartier d’affaires de Midtown, à Atlanta. Bottes fines de cuir noir à sangles portées sur un jean gris de designer, ce Nigérian de 42 ans soigne son image. Après avoir composé les garde-robes du gotha du show business black, de Puff Daddy à Akon en passant par Lauryn Hill, il produit désormais ses propres événements musicaux, à partir d’Atlanta, où il s’est installé dès son arrivée aux Etats-Unis, en 1996 : « Atlanta est le Hollywood black de l’Amérique. C’est ici que les membres de l’élite noire se rencontrent. Ils ont tous une maison et un studio de musique ici. Atlanta est devenu le melting-pot musical de l’Amérique ».

Bunmi Jinadu se vante d’avoir repéré Akon en 2001, quand peu de gens souhaitaient miser sur l’artiste aux origines sénégalaises. « Akon a 40 millions de fans sur sa page Facebook aujourd’hu», se félicite Jinadu.

Pas la même culture des affaires

Fondateur du groupe de marketing et de divertissement Interglobe Inc, l’ancien styliste a emmené ces stars noires américaines tourner en Afrique contre le Sida. Il œuvre aussi pour que l’industrie du divertissement ouvre plus grand ses portes aux talents du continent noir, à travers son nouveau projet : les tournées du United Sounds of Africa. Les artistes africains ont mordu à l’hameçon, et il l’espère les sponsors américains suivront : «Tout à l’heure, j’écoutais des morceaux de l’artiste congolais Lokua Kanza, on vient d’avoir un premier contact, lui et moi. Chaque jour dix à quinze morceaux d’artistes africains tombent dans ma boîte mail. Il s’agit de trouver les nouveaux Knaan Sade, Akon et Seal. Et je le dis tout le temps : ces gens sont en Afrique, ils attendent juste qu’on les découvre et qu’on les sorte » confie Bunmi Jinadu à RFI.

Bunmi reconnaît que l’Afrique et les Etats-Unis n’ont pas la même culture des affaires, ni le même sens de l’organisation. « C’est souvent chaotique sur le plan logistique, mais à la fin, assure t-il, les fans sont contents, les billets sont vendus, et les sponsors sont prêts à renouveler l’expérience ».

« Leur musique a aidé à libéré l'Amérique noire »

La musique et le sports sont des échappatoires prisées des jeunes Africains. Et selon Bunmi, les investisseurs américains y sont sensibles : « Les Afro-américains ont la même histoire, avec Aretha Franklin Smokey Robinson et les autres grandes signatures du label Motown. C’est leur musique qui a aidé à libérer l’Amérique noire des années 1960. La musique est le moyen qui leur a permis de nourrir leur famille et de créer de la richesse dans leur communauté. Ils te le disent tous : ils s’en sont sortis grâce au sport et à la musique ».

L’affectif ne suffit pas au pays du billet vert, mais sur ce plan Bunmi est plutôt confiant : « Nous emboîtons le pas aux décideurs d’Afrique qui, pour la plupart, sont issus de la diaspora. Ils ont compris à l’étranger ce qu’il fallait faire chez eux, sur le plan politique notamment. Nous, ce que nous faisons d’ici, c’est favoriser le développement de l’économie de la création africaine et c’est un marché qui vaut des milliards, des trillons de dollars ».

Milieu privilégié

Pour réussir ce trait d’union entre les artistes et les industries des deux continents, il faudra faire du marketing, des showcases, du networking. Des mots américains qui n’effraient plus Bunmi, le créateur de tendances ou trend-setter à la patte nigériane. Le business importe beaucoup, mais Bunmi assure qu’il fait très attention au contenu des produits, et soupire quand on l’amène sur le terrain des paroles parfois sexistes du hip hop américain. « Je ne veux pas mettre en valeur des musiques cérébrales et ennuyeuses. Mais je veux que ma fille puisse amener de la musique dans la cuisine, sans que sa mère ait envie de lui coller une gifle ! »

Bien élevé, Bunmi est issu d’un milieu privilégié. Au Nigéria, son père était ingénieur, sa mère décoratrice d’intérieur. Ses parents l’ont envoyé en internat en Angleterre quand il était enfant. Il a aussi étudié une année à l’université Paul Valéry de Montpellier. De ses séjours, il a conservé de précieux contacts avec la diaspora africaine en Europe. « Les artistes africains doivent d’abord percer chez eux puis en Europe, avant de tenter l’aventure américaine », affirme Bunmi. Provocateur, il lance : « Un artiste africain n’est pas tout à fait accompli s’il n’a pas percé aux Etats-Unis ».

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