Pays-Bas : Shell face à la justice pour pollution au Nigeria

Quatre villageois nigérians ont porté plainte, à La Haye, où siège la compagnie pétrolière Shell. Soutenus par l’organisation écologiste Les Amis de la Terre, ils demandent que Shell soit jugé responsable de la pollution de leurs trois villages du delta du Niger, suite aux fuites d’un oléoduc. Les plaidoiries ont pris fin ce jeudi 11 octobre. Le verdict est attendu fin janvier. Si les plaignants obtiennent gain de cause, ce sera une première mondiale.

C’est la première fois qu’une entreprise néerlandaise est poursuivie devant un tribunal des Pays-Bas pour des faits présumement commis par une de ses filiales. Les quatre pêcheurs et villageois nigérians demandent à Shell des indemnités. L’un d’entre eux affirme avoir perdu tous ses étangs de pêche à cause de la pollution. Ils exigent aussi de la compagnie qu’elle nettoie la pollution pour qu’ils puissent à nouveau cultiver et pêcher.

« Ma communauté est une terre fantôme. Nous avions une belle végétation. Aujourd’hui, les gens ont des problèmes respiratoires et tombent malades », a expliqué un des plaignants, Eric Dooh, de la communauté Goi, qui vit entre deux oléoducs.

« Je suis ici à cause de la fuite de pétrole qui a eu lieu dans ma communauté à cause des installations de Shell et qui a détruit mes 47 étangs de pêche » a déclaré à l’AFP Friday Alfred Akpan, un autre plaignant du village de Ikot Ada Udo.

Joint par RFI, Geert Ritsema, porte-parole de l’ONG Les Amis de la Terre, qui soutient les quatre villageois, a constaté lui-même les dégâts en se rendant sur les lieux, il y a tout juste deux semaines.

Le géant pétrolier nie de son côté toute responsabilité dans la pollution de ces trois villages nigérians entre 2004 et 2007. Shell rétorque que la pollution a été, avant tout, provoquée par des voleurs qui pompent illégalement le pétrole, en sabotant les oléoducs. C’est ce qu’affirme Allard Castelein, vice-président de Shell pour l’environnement, joint par RFI.

L’avocate des quatre villageois, Channa Samkalden a, au contraire, déclaré au tribunal que le groupe, responsable de 9 000 km d’oléoducs, ne les avait pas suffisamment entretenus. « C’est une maintenance insuffisante, et non le sabotage, qui est à l’origine de ces fuites » a-t-elle dit.

De son côté, Amnesty International, dans un rapport publié il y a deux mois, accusait Shell de s’enfermer dans une position défensive sur ces questions de pollution au Nigeria. « Le vandalisme sur les oléoducs est une réalité, mais les pipelines sont aussi rongés par la corrosion et mal entretenus », a affirmé l’organisation de défense des droits de l’homme.

Un procès inédit si les plaignants obtenaient gain de cause

Si cette plainte venait à déboucher sur une condamnation, reconnaissant ainsi la responsabilité de Shell, elle pourrait ouvrir la voie à d’autres poursuites contre d’autres compagnies pétrolières au Nigeria et, plus largement, à différentes entreprises, notamment dans le secteur extractif – pétrole, gaz et mines – à travers le monde.

Pour Francis Perrin, d’Amnesty International, joint par RFI, une décision de justice donnant gain de cause aux plaignants enverrait, effectivement, un message extrêmement clair. « Dans des cas similaires, les populations pourront tenter d’aller dans d’autres pays - notamment en Europe, en Amérique du Nord, peut-être ailleurs - pour essayer tout simplement d’obtenir justice, ce qui est tout à fait élémentaire », a-t-il dit.

Ce procès a débuté il y a quatre ans et le verdict, prononcé par trois juges, est attendu fin janvier 2013.

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