C’est la première fois qu’une entreprise néerlandaise est poursuivie devant un tribunal des Pays-Bas pour des faits présumement commis par une de ses filiales. Les quatre pêcheurs et villageois nigérians demandent à Shell des indemnités. L’un d’entre eux affirme avoir perdu tous ses étangs de pêche à cause de la pollution. Ils exigent aussi de la compagnie qu’elle nettoie la pollution pour qu’ils puissent à nouveau cultiver et pêcher.
« Ma communauté est une terre fantôme. Nous avions une belle végétation. Aujourd’hui, les gens ont des problèmes respiratoires et tombent malades », a expliqué un des plaignants, Eric Dooh, de la communauté Goi, qui vit entre deux oléoducs.
« Je suis ici à cause de la fuite de pétrole qui a eu lieu dans ma communauté à cause des installations de Shell et qui a détruit mes 47 étangs de pêche » a déclaré à l’AFP Friday Alfred Akpan, un autre plaignant du village de Ikot Ada Udo.
Joint par RFI, Geert Ritsema, porte-parole de l’ONG Les Amis de la Terre, qui soutient les quatre villageois, a constaté lui-même les dégâts en se rendant sur les lieux, il y a tout juste deux semaines.
Le géant pétrolier nie de son côté toute responsabilité dans la pollution de ces trois villages nigérians entre 2004 et 2007. Shell rétorque que la pollution a été, avant tout, provoquée par des voleurs qui pompent illégalement le pétrole, en sabotant les oléoducs. C’est ce qu’affirme Allard Castelein, vice-président de Shell pour l’environnement, joint par RFI.
L’avocate des quatre villageois, Channa Samkalden a, au contraire, déclaré au tribunal que le groupe, responsable de 9 000 km d’oléoducs, ne les avait pas suffisamment entretenus. « C’est une maintenance insuffisante, et non le sabotage, qui est à l’origine de ces fuites » a-t-elle dit.
De son côté, Amnesty International, dans un rapport publié il y a deux mois, accusait Shell de s’enfermer dans une position défensive sur ces questions de pollution au Nigeria. « Le vandalisme sur les oléoducs est une réalité, mais les pipelines sont aussi rongés par la corrosion et mal entretenus », a affirmé l’organisation de défense des droits de l’homme.
Un procès inédit si les plaignants obtenaient gain de cause
Si cette plainte venait à déboucher sur une condamnation, reconnaissant ainsi la responsabilité de Shell, elle pourrait ouvrir la voie à d’autres poursuites contre d’autres compagnies pétrolières au Nigeria et, plus largement, à différentes entreprises, notamment dans le secteur extractif – pétrole, gaz et mines – à travers le monde.
Pour Francis Perrin, d’Amnesty International, joint par RFI, une décision de justice donnant gain de cause aux plaignants enverrait, effectivement, un message extrêmement clair. « Dans des cas similaires, les populations pourront tenter d’aller dans d’autres pays - notamment en Europe, en Amérique du Nord, peut-être ailleurs - pour essayer tout simplement d’obtenir justice, ce qui est tout à fait élémentaire », a-t-il dit.
Ce procès a débuté il y a quatre ans et le verdict, prononcé par trois juges, est attendu fin janvier 2013.