Tunisie: l’art et la culture, premières cibles des salafistes?

Les salafistes tunisiens ont multiplié les attaques, de plus en plus virulentes, contre des évènements culturels en bloquant des spectacles jugés, selon eux, contraires à l’islam. Dans la nuit de jeudi à ce vendredi 17 août, c’est à Bizerte qu’ils sont intervenus, armés de bâtons et de sabres, faisant cinq blessés. Selon les organisateurs, les forces de l’ordre ont attendu une heure avant d’intervenir. Les artistes dénoncent « la passivité et la complaisance » du gouvernement.

Il s’agit du troisième spectacle, en trois jours, à avoir été pris pour cible par des fondamentalistes. Quelque 200 militants radicaux ont utilisé la violence pour empêcher la tenue d’une conférence organisée dans le cadre de la « Journée el-Aqsa » et qui comptait avec la présence de Samir Kantar. Ce militant palestinien a passé près de trente ans dans les prisons israéliennes avant d’être libéré, en 2008, dans le cadre d’un échange avec le mouvement libanais chiite Hezbollah. Lors de ses interventions, il aurait affiché des positions favorables au régime du président syrien Bachar el-Assad.

Lors de cette attaque des salafistes, cinq personnes ont été blessées. Les forces de l’ordre ont beaucoup trop tardé – une heure, selon les organisateurs – avant de disperser les assaillants. Selon le ministre de l’Intérieur, quatre salafistes ont été arrêtés.

« Les salafistes, encouragés et protégés »

Les artistes et les organisations de la société civile expriment leur inquiétude face à la discrétion des forces de l’ordre, excepté à Bizerte où elles sont intervenues bien que tardivement. Ce manque de fermeté implique, pour certains, la complicité des islamistes du parti au pouvoir, Ennahda.
 

Le ministre de l’Intérieur a condamné ces atteintes à la liberté d’expression mais, précise Allaya Allani, professeur d’Histoire contemporaine à l’université de la Manouba, en Tunisie, « le rôle d’Ennahda, en tant que parti au pouvoir, est celui d’intervenir pour empêcher les agressions salafistes envers les artistes ». « Aujourd’hui » dit-il « plusieurs Tunisiens se demandent si l’art n’a plus lieu d’exister dans cette nouvelle Tunisie qu’ils croyaient émancipée, libre et moderne ».

Pour Selima Karoui, artiste et syndicaliste tunisienne, « l’art et la culture sont les premières cibles des salafistes » et, ajoute-t-elle, ces derniers « se donnent le droit de recommencer plusieurs fois leurs attaques parce que leurs actes  restent impunis ». Jointe par RFI, elle affirme que les salafistes « sont plus qu’encouragés ; ils sont protégés ».

De son côté, Maître Abdessattar Ben Moussa, président de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme, déplore aussi le manque de fermeté du gouvernement à l’égard des salafistes ce qui peut être perçu comme « un encouragement ».

 
L’atteinte au sacré

Au mois de juin dernier, des fondamentalistes, criant au blasphème, ont saccagé une exposition d’art, près de Tunis, annulant ainsi le printemps des arts. Des violences s’en sont suivies dans plusieurs régions.

Le premier août dernier, le parti islamiste Ennahda, qui dirige la coalition au pouvoir en Tunisie, a déposé un projet de loi afin de punir l’atteinte au sacré. Un texte codifiant les atteintes au sacré et prévoyant une peine de prison allant jusqu’à deux ans de réclusion a ainsi été rédigé.

Ennahda a beau rassurer sur le respect des libertés, l’opposition et de nombreuses ONG ont aussitôt dénoncé ce texte qui pourrait restreindre la liberté d’expression. Selima Karoui, en tant qu’artiste et syndicaliste, se bat pour que cette loi ne passe pas.

 

 

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