La grève a été suivie à plus de 90%, selon l’un des organisateurs et porte-parole du Front du 17-Décembre. La manifestation, qui s’est voulue unitaire en regroupant l’opposition, les syndicats ainsi que des représentants du patronat et de la société civile a, quant à elle, rassemblé environ deux mille personnes. Une manifestation pour la liberté d’expression et contre la répression ; les protestataires ont réclamé la libération d’une quarantaine de personnes arrêtées dans la région, depuis fin juillet, lors de manifestations contre les difficultés sociales et les coupures d’eau et d’électricité.
Une région déshéritée
Les habitants de Sidi Bouzid, et plus globalement du bassin minier, attendent toujours l’aide promise. Il y a ceux qui attendent le versement d’indemnités à tous les proches des victimes de la révolution de janvier 2011. Il y a ceux qui ne supportent plus les coupures d’eau récurrentes et ceux qui désespèrent d’être au chômage. Plus généralement, il y a clairement un sentiment d’abandon ; un sentiment d’être la dernière roue du carrosse.
La région avait été délaissée sous le régime de Ben Ali. C’est la misère et le chômage qui ont d’ailleurs été au cœur des raisons du soulèvement qui a commencé précisément à Sidi Bouzid. Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, un vendeur ambulant s’immolait par le feu pour protester contre la saisie de sa marchandise par la police. Depuis la révolution et malgré les grandes déclarations politiques, la situation n’a pas changé. Ce mardi, à Sidi Bouzid, les manifestants ont, encore une fois, réclamé des moyens pour le gouvernorat ainsi que l’a souligné sur RFI, Jahed, 26 ans, diplômé et chômeur.
Joint par RFI, Mohamed Mansouri, gouverneur de Sidi Bouzid, considère, quant à lui, que cette grève n’avait pas lieu d’être car, dit-il, il dispose d’un budget de 475 millions de dinars (environ 235 millions d’euros) pour des projets qui sont, pour certains, déjà bien avancés et pour d’autres, qui ont déjà commencé ou qui sont en phase d’étude. Et parmi les projets déjà réalisés à Sidi Bouzid, précise-t-il encore, il y a des services hospitaliers et la construction d’une université des sciences et des techniques. Il promet d’ailleurs qu’elle accueillera 300 étudiants dès la rentrée.
Des manifestants et des syndicalistes libérés
Sept manifestants, arrêtés la semaine dernière dans le gouvernorat de Sfax, à 260 km au sud de Tunis, ont été libérés ce mardi 14 août après avoir bénéficié d’un non-lieu. Quatre syndicalistes ont également été libérés après près d’un mois de détention, dans cette même région. Cinq autres manifestants ont par ailleurs été libérés jeudi.
Les manifestations d’opposition et les conflits sociaux se sont multipliés ces dernières semaines en Tunisie. Le gouvernement, dominé par les islamistes d’Ennahda, fait face à une contestation croissante sur plusieurs fronts. L’opposition et la société civile dénoncent notamment une dérive autoritaire ainsi qu’une tentative d’organiser une islamisation rampante de la société.
Tunis a ainsi connu, lundi 13 août, une très forte mobilisation avec des milliers de personnes manifestant pour la protection des droits des femmes. Ces dernières seraient menacées notamment par un article de la Constitution qui limite leurs droits. Selon le texte, en préparation, la femme ne serait plus l’égal de l’homme mais « complémentaire » - un mot perçu comme dangereux pour beaucoup de Tunisiens.