C’est par un score nord-coréen, 100%, que les députés présents à l’Assemblée nationale ont voté la loi d’amnistie totale pour les auteurs du coup d’Etat du 22 mars dernier. Madame Camara Saoudatou Dembélé, présidente de la commission des lois, s'en explique :
« La loi d’amnistie, ce n’est pas une prime à l’impunité. C’est un élément essentiel de sortie de crise. Cela va nous permettre de s’atteler à l’essentiel, c’est-à-dire, le recouvrement de l’intégrité territoriale et la paix au Nord. Nous avons voté la loi pour notre pays, pour la stabilité du pays, pour permettre aux partenaires de venir aider le Mali ».
Les personnes ayant apporté un concours aux militaires bénéficient également de l’amnistie, dont le champ d’application est large. Parmi les députés maliens qui ont voté la loi, certains en avaient trop sur le cœur.
Publiquement à l’Assemblée, au cours des débats, avant l’adoption de la loi, ils ont tenu des propos critiques, à peine voilés contre la junte. D’autres ont constaté que l’armée régulière tardait à reconquérir le nord du Mali. Et puis un élu a souhaité que « l’aigle » ne baisse plus la tête. L’aigle est l’un des symboles du Mali.
Les raisons du vote
Pourquoi ce vote de la loi d'amnistie, alors que la majorité des élus de l'Assemblée étaient opposés au putsch du 22 mars ?
Sur le terrain, les rapports de force entre les militaires, la présidence par intérim, et la primature sont connus. C’est à Kati, à 15 km de Bamako, dans le quartier général de la junte que se prennent les décisions importantes. C’est aussi là que se joue, en grande partie, l’après-transition. La transition, elle, commence dans moins de quatre jours maintenant.
Accorder l’amnistie aux militaires et à leurs proches vise à faciliter un retour à l’ordre constitutionnel. C’est aussi un moyen de rassurer les putchistes, leur assurer qu’il n’y aura pas de tentative de vengeance à leur égard. Le champ de l’application de la loi est d’ailleurs large : parmi les infractions amnistiées, il y a bien sûr la mutinerie, mais aussi « atteinte à la sûreté de l’Etat », ou encore « atteinte au bien public ». C’est donc une amnistie totale.
L’amnistie est également prévue par l’accord cadre de Ouagadougou. C’est peut-être aussi pour signifier que « chacun doit respecter ses engagements ». Maintenant, on sait également que la délégation de la Cédéao revient en principe ce samedi à Bamako pour ce qu’on peut appeler « les négociations de dernière chance ».
Et avant leur arrivée, les députés maliens ont contribué à déminer le terrain, pour permettre des discutions sereines avec les militaires.
----
Par ailleurs, une organisation de défense de la liberté de la presse dénonce la mise sur écoute des journalistes, et appelle les autorités à respecter le secret des communications. Ce sont deux des six points soulevés par la Maison de la presse suite à l'arrestation de deux journalistes ces derniers jours par la sécurité d'Etat. Ces journalistes ont été relâchés quelques heures après leur interpellation, mais l'un d'eux a été interrogé au sujet d'informations qu'il n'avait pas encore publiées.
Makan Koné, le directeur de la Maison de la presse, en conclut que les conversations des journalistes sont surveillées. Il redoute que ce type de pratiques ne dégénère si les journalistes ne protestent pas. Il appelle la communauté internationale à intervenir pour le respect des libertés individuelles au Mali.