Comment Ansar Dine et le MNLA vont-ils se partager le terrain ?
Cela va être difficile surtout que le MNLA vient, via internet, de proclamer l’indépendance du Nord. Or, Ansar Dine, mouvement islamiste, ne veut pas entendre parler d’indépendance mais plutôt de l’application de la charia. Ces deux mouvements ont combattu ensemble l’armée malienne, mais il peut rapidement y avoir de nouvelles tensions entre eux. Et d’après nos informations, ce vendredi 6 avril, un groupe d’Ansar Dine a quitté Tombouctou pour se diriger vers la ville de Gao. Il y a donc effectivement un risque d’affrontement violent, surtout que partout où Ansar Dine va combattre, il y a généralement des combattants d’al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). En revanche, le MNLA ne peut pas avoir deux fers au feu pour le moment, c’est-à-dire combattre l’armée malienne et combattre al-Qaïda au Maghreb islamique. Pour combattre Aqmi dans cette zone-là, il faut que tous les pays de la zone se donnent la main.
Quelle sont les limites géographiques de l’Azawad?
Il y a essentiellement les trois régions nord du Mali, soit une fois et demie la superficie d’un pays comme la France. Ce sont donc essentiellement les régions de Gao, de Tombouctou et de Kidal. Cela descend un peu vers Mopti du côté de l’Ouest. En revanche cela ne sort pas du territoire malien, donc cela ne déborde pas sur l’Algérie.
Qui contrôle quoi sur le terrain ?
Actuellement, Ansar Dine contrôle une bonne partie du Nord du Mali dans la région de Kidal qui est la région natale de Iyad Ag Ghaly (le chef de cette mouvance). A Kidal, par exemple, quand on téléphone à Kidal et demande ce qui se passe sur place, on vous dit que c’est Ansar Dine qui contrôle cette ville, qui est la capitale du Nord-Est du Mali. Tessalit est contrôlée par Ansar Dine et en partie par le MNLA. Il ne faut pas oublier qu’il y a quelques semaines une délégation de la Croix-Rouge conduite par le MNLA se dirigeait vers Tessalit et la délégation a été empêchée de rentrer. Aujourd’hui, on sait que c’est Ansar Dine qui a empêché cette délégation de rentrer dans Tessalit. A Gao, en revanche, il y a beaucoup de groupes. Le MNLA, Ansar Dine et des groupes plutôt crapuleux s’en partagent le contrôle. Pour la région de Tombouctou, Ansar Dine est dans la ville même de Tombouctou mais le MNLA est également présent dans cette région.
Y-a-t’il un risque de scission durable du Mali ?
Le Malien du Sud ne peut pas - en tout cas pour le moment - se rendre facilement au Nord et celui du Nord ne peut pas facilement se rendre au Sud. Maintenant, dire que le MNLA, en proclamant la République de l’Azawad, pourra tout de suite prendre les choses en main et diriger cette partie du Mali ? Ce n’est pas certain. Non seulement le MNLA aura face à lui des milices et des groupes privés, mais également les islamistes. En outre, on l’a appris ce vendredi 6 avril, la communauté arabe de la région de Tombouctou –on les appelle les Bérabish– entend créer un mouvement armé pour reconquérir « sa » région et réaffirmer son appartenance à la République du Mali. Ce qui veut dire que ce n’est pas tout le Nord du Mali qui, pour le moment, se sent concerné par la République de l’Azawad.
Que sont devenus les officiers et généraux maliens, depuis le coup d’Etat du 22 mars ?
On a appris, ce jeudi 5 avril, que le colonel Aladji Gamou, ancien commandant de la garnison de Kidal et proche d’Amadou Toumani Touré, qui avait annoncé son ralliement au MNLA, s’est, en fait, réfugié au Niger. Selon notre correspondant à Bamako, à qui il a parlé au téléphone, cet officier s’explique. Il dit avoir été cerné dans la région de Kidal et, pour s’en sortir, avoir fait semblant d’adhérer au MNLA. Les rebelles, assurent-il, l’ont laissé partir, puis il se serait arrangé pour aller vers la frontière nigérienne vers la localité de Yassa. Il affirme donc être dans cette localité, avec 500 hommes prêts à combattre aux côtés de l’armée malienne et aux côtés de la Cédéao pour bouter les rebelles hors du territoire malien.
Quant aux autres officiers et généraux de l’armée malienne, on ne les voit quasiment plus. Certains ont rallié la junte, d’autres sont devenus des conseillers discrets. Mais d’autres sont chez eux à la maison. Quelques-uns travaillent normalement mais d’autres encore se font discrets parce qu’ils ont l’impression qu’ils sont recherchés par la junte.