L’ex-chef de milice est ému. Le poing serré contre ses lèvres, Thomas Lubanga entend le verdict : coupable. Coupable d’avoir enrôlé des enfants de moins de 15 ans dans ses troupes, de les avoir soumis à des « conditions dures, des châtiments sévères ». Coupable de les avoir envoyés au front.
A l’époque des crimes commis, entre le 1er septembre 2002 et le 15 août 2003, Thomas Lubanga était président de l’Union des patriotes congolais (UPC) et commandant de sa branche armée, les Forces patriotiques de libération du Congo (FPLC). A ce titre, il aurait mis en œuvre un plan, visant à s’emparer politiquement et militairement de l’Ituri. Pour se faire, il devait enrôler une armée de soldats.
Un conflit interne
Selon les juges, Thomas Lubanga s’est rendu en personne, dans les villages et sur les places publiques, pour appeler les enfants au combat. Sa garde personnelle était composée de certains de ces enfants. D’autres, des filles principalement, étaient employées aux tâches domestiques, ou condamnées à être les esclaves sexuelles des militaires de l’armée de M. Lubanga.
Si au cours de l’audition, dont l’essentiel s’est déroulé à huis clos, des témoins ont évoqué ces crimes, le procureur n’a jamais poursuivi l’accusé pour ses faits. Dès lors, la chambre n’a pas retenu de culpabilité sur ce point. Les juges ont aussi fait droits au procureur, qui estimait qu’un conflit interne avait cours en République démocratique du Congo. Le crime d’enrôlement est, techniquement, plus simple à prouver au cours d’un conflit interne que lors d’un conflit international. Au risque de tordre un brin la réalité, les juges ont estimé que la milice de Thomas Lubanga, pourtant longtemps soutenue par l’Ouganda, agissait dans le cadre d’un conflit interne.
Les juges épinglent l’accusation
Dans leur jugement, les trois magistrats ont aussi épinglé le procureur pour ses méthodes d’enquête. Au cours du procès, les défenseurs de Thomas Lubanga avait mis à jour l’existence de faux témoignages. Ces témoins avaient été recrutés par des intermédiaires utilisés par le procureur. « La chambre est d’avis que l’accusation n’aurait pas dû déléguer aux intermédiaires ses responsabilités en matière d’enquête, quels que fussent les problèmes de sécurité auquel il devait faire face », ont-ils déclaré, écartant du dossier les témoignages douteux.
Au terme de l’audience, Thomas Lubanga a de nouveau rejoint la prison des criminels de guerre, en banlieue de La Haye. L’ex-chef de milice est depuis sept ans en détention préventive. Sa sentence sera prononcée dans les prochaines semaines.
Blanc comme l’innocence, c’est l’élégant boubou que portait Thomas Lubanga, dans le box des accusés. Il a fallu dix ans à la Cour pour rendre son premier jugement au terme d’un procès long de trois ans, alors que l’accusé ne répondait que de deux chefs d’accusation. Au cours du procès commencé en janvier 2009, 67 témoins se sont présentés à la barre, parmi lesquels d’ex-enfants soldats, des victimes, des experts. L’essentiel a cependant était entendu à huis clos. La défense avait contesté la validité des témoignages de l’accusation, dénonçant l’existence de « faux témoignages ».