Hugues Ngouélondélé: «Vous parlez à un maire meurtri, nous avons besoin de solidarité à Brazzaville»

« Les pompes funèbres de Brazzaville nous annoncent un peu plus de 150 morts aujourd’hui. Nous étions sur les lieux, accompagnés du ministre de la Défense et du ministre de l’Intérieur pour essayer de dégager les décombres et vérifier si nous pouvions encore trouver quelques corps… ». Une série d’explosions a provoqué la mort de plus de 150 personnes, dimanche matin, près du camp militaire de Mpila. Témoignage du maire de Brazzaville Hugues Ngouélondélé, il était l’invité de Christophe Boisbouvier ce mardi 6 mars 2012. 

RFI : Hugues Ngouélondélé est-ce que vous avez un dernier bilan de la catastrophe de ce dimanche ?

Hugues Ngouélondélé : Les pompes funèbres de Brazzaville nous annoncent un peu plus de 150 morts aujourd’hui.

RFI : Et à l’heure qu’il est, je crois qu’on retire encore des corps des décombres ?

H. N. : Oui, tout à fait. Nous étions sur les lieux, accompagnés du ministre de la Défense et du ministre de l‘Intérieur pour essayer de dégager tous les décombres et vérifier si nous pouvons encore retrouver quelques corps isolés ici et là.

RFI : Qui sont les victimes les plus nombreuses, des militaires ou des civils ?

H. N. : Je pense qu’il y a beaucoup plus de civils. En ce qui concerne les militaires, sachant que cela s’est passé dimanche, la caserne n’était certainement pas remplie. Mais parmi les civils, il y avait ceux qui entouraient la caserne dans un quartier populaire, il y a des familles entières. C’est un drame.

RFI : Et les malheureux sont morts par les éclats d’obus, par l’effondrement de leur bâtiment ? Qu’est-ce qui s’est passé ?

H. N. : Cela se passe un dimanche à 8h15 du matin. Il y a des gens qui sont appelés à faire la grasse matinée. Ils sont chez eux. C’est à cette heure là, qu’ils prennent leur petit déjeuner en famille. Il y a des gens qui s’apprêtent à aller au culte. C’est la vie paisible du dimanche. Et ils sont surpris par ces détonations et la suite, c’est ce qui est arrivé.

RFI : Il y a plus de 150 morts. Il y a aussi plusieurs centaines de blessés ?

H. N. : Oui, il y a des blessés au CHU, à l’hôpital militaire et dans les autres centres de la capitale. Ils sont totalement pris en charge.

RFI : Est-ce que les hôpitaux ne sont pas débordés ?

H. N. : Hier, peut-être, on pouvait dire ça, mais aujourd’hui, la chose est maîtrisée. Vous savez lorsqu’une catastrophe de cette ampleur arrive, les gens sont pris de panique, les hôpitaux ne sont pas préparés à recevoir autant de malades. Mais aujourd’hui, les choses sont maîtrisées et cela se passe de mieux en mieux.

RFI : Quels sont les besoins les plus urgents pour vous. Est-ce que c’est du personnel médical ? Est-ce que c’est du matériel ?

H. N. : Les deux. Nous avons besoin du personnel médical et des médicaments. Nos amis marocains nous envoient, je crois, un hôpital de campagne. Je pense que la France nous assiste aussi pour les médicaments. Nos amis aussi de la RDC vont envoyer des médecins. Il y a une grande solidarité qui se forme autour de nous et nous les remercions d’ailleurs.

RFI : Est-ce que vous avez besoin de sang ?

H. N. : Oui, bien sûr. Au niveau de la mairie, nous réfléchissons comment faire pour amener les gens à faire des dons de sang dans les hôpitaux. C’est nécessaire. Les blessés saignent beaucoup et il faut nécessairement du sang.

RFI : Et pour les milliers de sans-abri depuis ce dimanche matin, que faites-vous ?

H. N. : Le gouvernement a pris des dispositions. Il y a des sites identifiés et les personnes qui ont perdu leur maison sont prises en charge. Je demande même aux Brazzavillois ou à tous les Congolais même de créer cette chaîne de solidarité : ceux qui n’ont pas leur maison touchée peuvent prendre les autres Congolais qui ont perdu une maison, ou aider à amener même une chemise ou quoi que ce soit. Je demande aux Brazzavillois de se lever, il ne faut pas que ce soit seulement une histoire de l’Etat. C’est l’histoire de tous les Congolais.

RFI : On sait que l’explosion a eu lieu dans le camp militaire de Mpila, à l’est de Brazzaville. Est-ce qu’on connaît la cause de ces explosions ?

H. N. : Comme l’a dit le président de la République au cours de son message, une enquête sera ouverte. Personne aujourd’hui ne peut deviner ou imaginer ce qui s’est passé là-bas. Tout ce que l’on sait, c’est qu’il y a eu détonation, il y a eu explosion. Pourquoi ? Les services habilités nous le diront. Mais pour l’instant, on parlait de court-circuit peut-être ? Mais je ne peux pas m’avancer sur ce que je ne sais pas. Tout ce que le maire de Brazzaville sait, c’est qu’il y a eu explosion et qu’il est nécessaire aujourd’hui de prendre les gens en charge, apaiser les douleurs et assister ceux qui sont en détresse.

RFI : On parle de court-circuit. Peut-il y avoir eu une négligence ?

H. N. : Je ne saurais pas m’avancer sur cela. Nous avons ici des services habilités qui pourront faire une enquête et déceler ce qui s’est passé réellement. Et chacun prendra ses responsabilités à ce moment-là. Je crois que pour l’heure, nous sommes en deuil. Laissez-nous le temps de faire notre deuil et on aura tous ces détails après.

RFI : Certains ont parlé d’un incident armé au camp de Mpila, voire éventuellement d’une mutinerie ?

H. N. : Pas du tout. Vous aurez certainement l’occasion de venir à Brazzaville, interrogez qui vous voulez. Je ne pense pas que ce soit sur cette piste-là. Pas du tout.

RFI : Il reste la question de ces dépôts d’armes en pleine ville, comme c’est le cas dans ce quartier de Mpila. Que faut-il faire ?

H. N. : Je sais que vous avez écouté attentivement ce que le président de la République du Congo, son excellence Denis Sassou Nguesso, a dit au cours de son entretien avec les journalistes : « Les dispositions sont prises depuis un certain temps pour sortir de Brazzaville ou des grandes villes toutes les casernes ». Les financements sont trouvés, les sites sont trouvés et le travail se fait. Malheureusement, face à l’événement nous ne pouvons que faire face. Mais ce qui est sûr, c’est que les casernes seront hors des grandes villes. C’est prévu et c’est en train de se réaliser.

RFI : Cela veut dire qu’il faut déménager tous les dépôts de munitions ?

H. N. : Bien sûr, oui. C’était un programme du gouvernement qui est connu. Ce n’est pas un secret.

RFI : Est-ce qu’il y a d’autres dépôts de munitions dans la capitale ?

H. N. : La personne la mieux placée pour répondre à une telle question, c’est le chef d’état major des armées ou le ministre de la Défense. Moi, je suis le maire de Brazzaville, je ne gère pas les casernes, ni les dépôts de munitions.

RFI : Est-ce que déjà le danger avait été signalé ces dernières années ?

H. N. : Vous parlez à un maire meurtri. Sa ville est en souffrance. Je pense que les détails sur l’enquête, on les aura plus tard. Aujourd’hui, nous avons beaucoup plus besoin de solidarité que d’autres choses.
 

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