Les nouveaux dirigeants libyens ont adopté la date du 17 février pour marquer le début de la révolution mais celle-ci a « commencé et mûri » deux jours avant, selon l’avocat Fathi Tarbel. Ce jour là, le 15 février 2011, cet ancien prisonnier politique, militant des droits de l’homme est arrêté à Benghazi. Il défend les familles des victimes du massacre de la prison d’Abou Slim où plus de 1 200 prisonniers politiques ont été fusillés par les forces de sécurité en 1996. Un sit-in est alors organisé pour réclamer sa libération devant le poste de la police. Sous la pression de la foule, il est finalement relâché dans la nuit, mais la révolte a, en fait, déjà commencé.
Un an après, au micro de RFI, Fathi Tarbel se souvient de son arrestation - l’étincelle qui a mis en marche la révolution libyenne.
Au lendemain de cette manifestation des familles, d’autres mouvements de protestation se déroulent dans d’autres localités et sur internet, les jeunes appellent à une «journée de colère». Ils retiennent la journée du 17 février, en hommage aux manifestants tués par les forces de l'ordre le 17 février 2006 lors d’un rassemblement devant le consulat italien contre la publication des caricatures de Mahomet.
Malgré la sanglante répression, la contestation fait tâche d'huile. Les révolutionnaires prennent plusieurs villes de l'est du pays comme Tobrouk, Brega et Ras Lanouf. De son côté, le régime lance sa contre-offensive et l'assaut sur Benghazi est stoppé, in extremis, le 19 mars, par les frappes aériennes de la coalition menée par la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.
Ce face à face va durer des mois. Le 23 août, Tripoli tombe mais le colonel Mouammar Kadhafi reste introuvable. Il est finalement capturé et tué à Syrte, son fief, le 20 octobre.
La révolution est alors finie mais la construction de la nouvelle Libye ne fait que commencer.
La famille Kadhafi, qu’est-elle devenue ?
Le clan Kadhafi s'est battu jusqu'au bout et notamment ses fils, présents sur le terrain ou dans les médias pour défendre le régime.
IL y a ceux qui ont réussi à se mettre à l'abri en Algérie, avant même la mort du colonel. Il s’agit de ses trois enfants Mohamed, Hannibal et la blonde Aïcha, ainsi que Safia, la dernière épouse de Mouammar Kadhafi. Ils se sont tous réfugiés, d’abord à Djanet, le 29 août après la bataille de Tripoli et seraient aujourd'hui, à Alger, sous bonne protection.
Saadi Kadhafi, le footballeur et le playboy du clan est l’autre fils de Kadhafi qui, lui aussi, a échappé aux rebelles. Il a pu atteindre le Niger le 11 septembre où il est, depuis, en résidence surveillée à Niamey. Le CNT (Conseil national de transition) a réclamé son extradition à plusieurs reprises mais n'a pas obtenu satisfaction. Récemment, lui aussi est sorti de sa réserve. Dans une interview téléphonique donnée à la chaîne al-Arabiya, il se dit prêt à revenir en Libye pour prendre la tête d'une contre-révolution. Cette sortie a provoqué l'embarras de Niamey.
Seif al-Islam, le réformateur et l'homme respectable du clan Kadhafi, pressenti pour succéder à son père, est le seul à avoir été arrêté par le nouveau pouvoir... C'était dans le sud du pays, à Oubari, près de Sebha, fin novembre. Une arrestation que l'on doit aux brigades de la localité de Zintan qui le détiennent toujours dans leur petite ville, isolée dans les montages du Nefoussa. Ces combattants ne semblent pour l'instant pas décidés à le remettre aux autorités centrales. Par ailleurs, Seif al-Islam est sous le coup d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes contre l'humanité.
Il y a ceux, enfin, qui sont morts aux combats comme cela a été le cas de Khamis Kadhafi, très impliqué dans la répression à Benghazi, aux premières heures du soulèvement. Le CNT a annoncé sa mort fin août.
Mouatassim Kadhafi, médecin et militaire, a quant à lui, été capturé vivant, comme son père, le 20 octobre à Syrte. Et également comme son père, lui aussi est mort dans des circonstances floues.
Et Mouammar Kadhafi lui-même a été capturé vivant après plusieurs semaines de résistance dans sa ville natale de Syrte. Il avait été retrouvé dans un tunnel dans une zone industrielle de Syrte. Les images de son lynchage par la foule ont fait le tour du monde. Son corps, sans vie, a par la suite été amené à Misrata, dans l’ouest de la Libye, et enterré quelques jours plus tard, dans un lieu inconnu.
Rétablir la sécurité et désarmer le pays
Un vent de liberté a soufflé sur la Libye. Et maintenant ? Tripoli prépare ses premières élections depuis plus de 40 ans, mais la prolifération des milices d’ex-rebelles qui font la loi dans le pays, complique terriblement la tâche des nouveaux dirigeants.
On les appelle les thouars (« révolutionnaires » en arabe) et ce sont des étudiants, fonctionnaires ou chômeurs qui se sont portés volontaires pour combattre le régime de Mouammar Kadhafi. Ils ont pris les armes et ne les ont jamais lâchées. Au terme du sanglant conflit, ils se sont constitués en milices et assurent, aujourd’hui, les fonctions de la police et de l’armée, deux institutions qui n’ont pas encore été mises en place par le nouveau régime.
Dans son rapport intitulé «Les milices menacent les espoirs pour une nouvelle Libye» Amnesty International appelle à des enquêtes sur les « graves abus » y compris « des crimes de guerre » commis par ces milices contre des partisans présumés de Mouammar Kadhafi, affirmant que des « personnes étaient détenues illégalement et torturées, parfois jusqu’à la mort ».
Les nouveaux dirigeants se sont pourtant donné comme premier objectif de désarmer le pays. Mais les résultats se font attendre. En fait, les autorités semblent submergées par la prolifération d’armes, les infrastructures vétustes, l’absence d’institutions, l’économie minée par la corruption et les systèmes de santé et d’enseignement rudimentaires. De plus, les nouveaux dirigeants ont fait des élections, prévues en juin, leur priorité. Un an après la chute de Mouammar Kadhafi, le nouveau régime fait face à des défis tant politiques qu’économiques et sécuritaires.