Les conclusions du rapport d’expertise français présenté par les juges Marc Trévidic et Nathalie Poux ont remis en cause les accusations des témoins de l’enquête du juge Bruguière. Ces témoins avaient affirmé que les missiles qui ont détruit l’avion du président Habyarimana ont été tirés de la colline de Massaka par des membres de la rébellion tutsi du Front patriotique rwandais (FPR) qui avaient pu s’y infiltrer. En se basant sur ces témoignages, le juge français avait alors lancé, en 2006, des mandats d’arrêt contre neuf proches du président rwandais, tous soupçonnés d’avoir pris part à l’attentat contre l’avion du président Habyarimana.
Ce rapport des experts français en balistique met aujourd’hui directement en cause ces accusations car il confirme l’hypothèse selon laquelle les tirs de missiles ont été effectués, non pas de la colline de Massaka, mais de Kanombé, un camp militaire des forces armées rwandaises - l’armée du régime hutu de l’époque. Ainsi, les tirs de missiles n’ont donc pas été tirés à partir d’une position tutsi. C’est précisément ce que Kigali a toujours clamé. Le Rwanda a aussitôt manifesté sa satisfaction en estimant que les conclusions de ce rapport rendaient « justice à la position soutenue depuis longtemps par le Rwanda ». De son côté, Louise Mushikiwabo, ministre rwandaise des Affaires étrangères ainsi que les avocats des sept inculpés considèrent que le non-lieu s’impose.
Jubilation du gouvernement et déception de l’opposition
Deux partis de l’opposition en exil – le Congrès national rwandais (CNR) et les Forces démocratiques unifiées (FDU) exigent une enquête internationale. Ils ne remettent pas en cause l’origine géographique des tirs mais mettent en doute la responsabilité des extrémistes hutus et estiment que le juge Trévédic n’exonère pas totalement le régime de Paul Kagame. Par ailleurs, l’opposition n’exclut pas la possibilité d’une infiltration de l’ex-rebellion tutsi dans le camp de Kanombé. « Impossible », rétorque Léon-Lef Forster, l'un des avocats des inculpés FPR, joint par RFI.
Le camp militaire de Kanombé était-il impénétrable ? Etait-il impossible de s’y infiltrer à l’époque, en 1994 ? Ni les experts, ni les juges français qui se sont rendus sur les lieux, 16 ans après les faits, sont en mesure de le dire aujourd’hui. Les sept inculpés seront-ils lavés de tout soupçon ? Seul le juge peut en décider. C’est, en tout cas, une nouvelle enquête qui s’ouvre à lui. Il devra également déterminer pourquoi, dans ce dossier, il y a eu de nombreux témoignages divergents.
Les avocats des proches du président rwandais qui réclament un non lieu dans cette enquête, envisagent également de porter plainte. « Un nombre considérable de manquements et de fraudes ont été constatés pendant la période où l’instruction était conduite par le juge Bruguière », a également indiqué Me Léon-Lef Forster qui parle notamment des faux témoignages, violations du secret professionnel et subornations de témoins.