Aussitôt nommé, aussitôt contesté. Et pourtant, en choisissant Youssef al-Manqush, le CNT avait choisi le compromis. Originaire de Misrata, le colonel devenu général, a rejoint l’insurrection dès ses débuts. Arrêté en avril, libéré en août, il était jusque-là vice-ministre de la défense. Mais la Coalition des thowars (ex-rebelles) de Libye, une organisation qui regroupe plusieurs factions de différentes régions, rejette cette nomination de l’actuel vice-ministre de la Défense en protestant ainsi contre le rejet d’une liste qu'elle a elle-même proposée.
Selon la Coalition des thowars de Libye, en décembre dernier, le chef du CNT, Moustapha Abdeljalil, a demandé aux thowars de présenter un ou des candidats au poste de chef d’état-major. Après des négociations, les ex-rebelles se sont mis d’accord sur une liste de six hauts gradés – tous faisant partie de l’ancienne armée libyenne et ayant participé activement aux combats des rebelles contre le régime de Mouammar Kadhafi. Le nom du nouveau chef d’état-major ne figurait pas sur cette liste. Sa nomination vient leur montrer que leurs propositions n’ont tout simplement pas été prises en compte.
Selon Florence Gaub, chercheuse et spécialiste de la Libye au collège de défense de l’Otan, le rejet de la nomination du nouveau chef d’état-major « n’a rien de personnel » ; ils n'ont rien contre la personne en soi du nouveau chef d'état-major ; ce serait plutôt le fait que les ex-rebelles n’ont tout simplement pas apprécié que le CNT ne retienne pas leurs propositions.
Les milices de l’Est continuent de défier le pouvoir
Le CNT a aussi ignoré les propositions des ex-combattants de l’Est en novembre dernier, lorsque plus de 150 officiers de l’armée, réunis à Al-Baïda, avaient nommé unilatéralement le général Khalifa Haftar comme nouveau chef d'état-major en tentant ainsi de mettre le CNT devant le fait accompli et d’accélérer la reconstitution officielle de l’armée. Mais les autorités n'en n'ont pas tenu compte et cette nomination n'a jamais été officialisée.
Aujourd'hui, le conseil militaire de la Cyrénaique, qui regroupe plusieurs brigades de cette région, allant de Syrte jusqu’à la frontière égyptienne, continue de défier le pouvoir en choisissant Salah Salem al Obeidi, issu d'une famille très implantée dans l'Est, en le nommant chef d’état-major.
La question est maintenant de savoir si ces milices vont finalement céder et désarmer. Youssef al-Mankush, qui va devoir prouver sa légitimité, en a fait sa priorité. Il reconnaît aussi que sa mission s’annonce très délicate. Mais pour l'heure, ce sont bien ces brigades - et non l'armée en cours de réorganisation - qui assurent le maintien de l'ordre en Libye.