Grâce à une vidéo visible sur le site de Human Rights Watch, nous traversons une ville fantôme dont les bâtiments brûlent ça et là. L’endroit ravagé par la guerre est la ville libyenne de Touarga, à 30 km au sud de Misrata, autrefois forte de ses 30 000 habitants. « Aujourd’hui la ville est complètement désertée », explique le chef des opérations d’urgence de Human Rights Watch (HRW), Peter Boukaert. «On revient ici tous les jours et à chaque fois, nous trouvons des nouveaux départs de feu», ajoute Tirana Hassan, également de HRW.
La raison : Touarga est le théâtre d’un drame à l’antique, rasée par le déchaînement des Erynies, les déesses de la vengeance. C’est ce que semble pointer l’enquête de l’ONG. Durant la guerre civile, la ville avoisinante de Misrata, située sur la côte, a connu de violents affrontements, entre mars et août 2011.
Les partisans de la rébellion contre le régime Kadhafi y furent assiégés avant de repousser les attaques des troupes loyalistes et de participer à la conquête des villes côtières de la région de Tripolitaine. Les rebelles de Misrata accusent les habitants de Touarga d’avoir soutenu le régime de l’ex-dictateur et surtout d’avoir commis des exactions durant le siège, notamment en violant les femmes.
Les milices de Misrata ont décidé de faire de Touarga un exemple et, pour les crimes des uns, faire payer toute la ville. Les habitants n’ont pas le droit de regagner leurs demeures. La plupart ont fui lors des avancées des troupes antikadhafistes en août dernier. La centaine d’autres a été priée de partir, parfois avec usage de la force. Human Rights Watch a recueilli des témoignages de plusieurs dizaines d’habitants de Touarga, qui ont été témoins de violences. Des hommes ont été battus à mort, d’autres laissés sur le bord de la route avec les jambes fracassées par des balles. Dans les prisons de Misrata, les enquêteurs de l’ONG ont constaté que les prisonniers originaires de Touarga subissaient diverses humiliations, étaient battus et torturés.
« Les actes de vengeance visant les habitants de Touarga, quelles que soient les accusations portées contre eux, ne font que nuire à l'objectif même de la révolution libyenne. Dans la nouvelle Libye, les résidents de Touarga accusés d'actes répréhensibles devraient être poursuivis devant un tribunal selon la loi, et non soumis à une espèce de justice autoproclamée», écrit Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. L’organisation appelle le Conseil national de transition (CNT) à exercer plus de contrôle sur ces groupes armés originaires de Misrata.
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