Le général Nezzar sous le coup d'une enquête pour des faits de torture en Algérie

L’ex-homme fort du régime algérien, le général Khaled Nezzar, a été interpellé en Suisse jeudi avant d’être présenté à un juge le vendredi 21 octobre 2011. La justice suisse a ouvert une instruction pour « suspicion de crimes de guerre » après avoir été saisie par l’ONG Trial, suite aux plaintes de deux victimes.

Le général Khaled Nezzar a été arrêté à son arrivée à Genève où il se rendait jeudi pour recevoir des soins. Dès le lendemain, l’ancien ministre de la Défense algérien a été auditionné avec les parties plaignantes. Le suspect a cependant été relâché à la fin de l’audition, mais l’instruction se poursuit, a précisé la porte-parole du ministère public de la Confédération helvétique (l'organe d'investigation et accusateur public fédéral suisse). Jeannette Balmer a ajouté que les crimes reprochés au général remontent au « conflit civil algérien qui, de 1992 à 1999, a opposé divers groupes islamistes au gouvernement ».

La promesse

Les plaintes contre le général Nezzar ont été déposées par l’ONG Trial, une association suisse qui lutte contre l’impunité. Elles relayaient la plainte de deux victimes dont une serait un ancien responsable du FIS dissous, résidant en Suisse, croit savoir le quotidien algérien El Watan. L’ONG Trial s’est réjouie de l’arrestation et de la poursuite du général, tout en déplorant qu’il n’ait pas été placé en détention. Dans un communiqué publié à l’issue de l’audition, Trial explique que Khaled Nezzar « a été remis en liberté sur la base de promesses de se présenter durant la suite de la procédure, mais l’ONG estime que le risque de fuite est élevé ».

Aujourd’hui âgé de 74 ans, le général Nezzar s’est retiré de la vie politique en 1994. Ministre de la Défense entre 1990 et 1994, il a été de 1992 à 1994 l’un des cinq membres du Haut Comité d’Etat (HCE), junte militaire de cinq membres remplaçant le président élu. Comme le rappelle Trial, Khaled Nezzar « a été considéré comme l’un des hommes les plus puissants du régime au début des années 1990, alors que la ' sale guerre ' faisait rage ».

En France, plaintes classées sans suite

Ce n’est pas la première fois que le général Nezzar est accusé de « tortures et traitements cruels, inhumains et dégradants ». Déjà en 2001, puis en 2002, il a fait l’objet de plaintes auprès de la justice française. Cependant, le parquet avait à l’époque classé sans suite les plaintes réitérées de victimes, motivant sa décision par « l’absence d’élément grave ou concordant reposant sur le général Nezzar ».

Bras armé de la lutte contre le Front islamique du salut qui avait remporté les élections fin 1991, Khaled Nezzar ne recule devant aucun moyen pour interrompre le processus électoral. Dans tout le pays, se généralise alors une féroce politique de répression systématique contre les membres du FIS, officiellement dissous en mars 1992, mais aussi contre tout opposant.

Des milliers de militants mais aussi de sympathisants islamistes ou non sont arrêtés ; les prisons débordent, on ouvre des camps dans le sud, en plein Sahara. La torture est pratiquée à grande échelle pendant que les assassinats et les disparitions se multiplient. Aujourd’hui encore, le bilan des victimes reste difficile à établir ; selon les sources on parle de 60 000 à 150 000 personnes à qui la « décennie noire » a coûté la vie.    

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